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Culture - Page 3

  • SUR DEUX ESSAIS PUBLIES AVEC 10 ANS DE DISTANCE :

     

     

     

     

     

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       "Martin Heidegger, Philosophe incorrect" de Jean-Pierre Blanchard, 2e édition "Dualpha"(Paris) en 2017

     et "La Révolution et comment la faire dans une société moderne"de Kai Murros, éditions "Ars Magna"(Nantes) en 2007.

     

     

     

            Nous allons d'abord essayer de répondre à la question cruciale"Pourquoi avoir choisi ces essais écrits par deux militants tout à fait différents" ? C'est vrai que le Pasteur Blanchard est une personne très humaniste et la preuve serait le fait qu'avec son "Action Sociale Populaire" il pratique l'aide aux nombreux clochards de la capitale. "La faim justifie les moyens" serait le titre d'un autre ouvrage à lui. L'éditeur du finlandais Kai Murros par contre serait Christian Bouchet, qui avait écrit sa thèse sur le "sataniste" (personellement nous préférons le qualificatif de "magicien" pour lui) Aleister Crowley et que cette dernière a été éditée par son ancienne maison "éditions du Chaos".

     

     

     

            Même si Kai Murros utilise un style d'écriture "néo-marxiste"et que plusieurs citations de Marx et Engels sont reprises sur son site officiel, pourtant cet essai ci-dessus est tout à fait anti-marxiste: "le vrai capital ne consiste pas en billets de banque" (op.cit.p.6). Il nous tire l'attention sur le fait que la nation serait l'élément le plus important de l'humanité. Nous avions lu les escroqueries de Marx pendant notre période universitaire et nous avions été frappé par le fait que sa doctrine est creuse et utopique dans un degré extrême. Deirdre Manifold écrivait sur lui:"Marx fut un imposteur, un menteur et, pire de tout, sataniste"(citation reprise aux éditions Saint Remi, page 128 en 2007). Cette conclusion plairait sûrement à Monsieur Bouchet (qui a fait dernierement une grande ouverture aux thématiques musulmanes et parfois intégristes) et pour cette raison nous la reproduisons ici.

     

     

             Murros fait l'apologie de la violence gratuite comme moyen de Révolution :il dit qu'il faura utiliser le vide créé par le capitalisme. "Nous triompherons du crime organisé" (op.cit.page 5).

     

     

      Blanchard par contre prône l'amour de nos Supérieurs : "L'être jeté au monde renvoie à l'Être tout-puissant, créateur tout puissant, Dieu"(op.cit.page 60). Méme si cette deuxième édition de son essai a été fait par "Dualpha", un éditeur reputé comme "paganiste", nous avons adoré son essai sur le plus grand philosophe du vingtième siècle.

     

     

     écrit par Dionysos ANDRONIS

     

     

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  • Réflexions sur la violence, de Georges SOREL:

     

     

     

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             Georges SOREL (1847-1922), philosophe et sociologue français, inclassable sur le plan politique et certainement désireux de l'être, auteur de nombreux écrits sur le syndicalisme, le marxisme (dont il suit la "décomposition" en 1910) et le prolétariat, rédige vers 1906, Réflexions sur la violence.
     
     

       Lecteur assidu de PROUDHON, de Karl MARX, de Giambattista VICO (1668-1744), d'Henri BERGSON (1859-1941) et de William JAMES (1842-1910), il participe aux débats entre les deux siècles sur la crise du marxisme et contribue à l'émergence théorique du syndicalisme révolutionnaire. Déçu par la CGT (Confédération Générale du Travail), il se rapproche en 1909-1910 de Charles MAURRAS, pour son fédéralisme, malgré son nationalisme qu'il réprouve. Opposé à la guerre de 1914-1918, favorable à LENINE (ce qui n'est pas réciproque...), il défend les bolcheviks. Scientifique (il publie des études en météorologie et en hydrologie), sociologue (il entretient une correspondance suivie avec Vilfredo PARETO), Georges SOREL rédige nombre de ses ouvrages en italien.
     
     


              Réflexions sur la violence est divisé en 7 chapitres et comporte trois appendices. Georges SOREL introduit en 1907 son livre par une lettre à Daniel HALEVY (1872-1962) où il se présente comme autodidacte, se voulant conscient que la philosophie "n'est qu'une reconnaissance des abîmes entre lesquels circule le sentier qui suit le vulgaire avec la sérénité des somnambules". Animé par une certaine colère contre des révolutionnaires qui se transforment en "pacifistes ridicules" une fois parvenus au pouvoir, l'auteur défend une conception pessimiste de la réalité, surtout sociale, et veut préserver à tout prix la volonté de délivrance.
     
     

       Conscient également de froisser même des communistes convaincus, il écrit : "Je comprend que ce mythe de la grève générale froisse beaucoup de gens sages à cause de son caractère d'infinité ; le monde actuel est très porté à revenir aux opinions des anciens et à subordonner la morale à la bonne marche des affaires publiques, ce qui conduit à placer la vertu dans un juste milieu. Tant que le socialisme demeure une doctrine entièrement exposée en paroles, il est très facile de le faire dévier vers un juste milieu; mais cette transformation est manifestement impossible quand on introduit le mythe de la grève générale, qui comporte une révolution absolue."
     
     

     Plus loin, il estime qu'un révolutionnaire a le devoir de compléter Karl MARX par ce mythe de la grève générale, devenu populaire, et par la description de la violence prolétarienne.
     
     

       Dans l'avant-propos, il clame qu'"il ne faut pas examiner les effets de la violence en partant des résultats immédiats qu'elle peut produire, mais de ses conséquences lointaines. (...) Nous ne comparons pas deux méthodes de réformisme, mais nous voulons savoir ce qu'est la violence actuelle par rapport à la révolution sociale future".
     
     

     Georges SOREL n'a pas la prétention de présenter une théorie complète de la violence : il s'agit sous ce titre du rassemblement d'une sére d'articles, quoique très remaniés, parus dans la revue italienne Il Devenire sociale.
     


              Lutte des classes et violence marque d'emblée où se situent les vrais combats : entre groupes pauvres et groupes riches. Georges SOREL dénonce dans ce premier chapitre les "illusions relatives à la disparition de la violence" et l'influence de la peur sur la législation sociale et ses conséquences. Il observe que "les théories et les agissements des pacificateurs sont fondés sur la notion du devoir et que le devoir est quelque chose de complètement indéterminé, - alors que le droit recherche les déterminations rigoureuses." Il n'y a pas plus de devoir social (obéir aux dispositions de l'ordre intérieur) que de devoir international (l'obligation de servir l'Etat contre ses ennemis extérieurs).
     

            
            La décadence bourgeoise et la violence met l'accent sur les méthodes des parlementaires s'appuyant sur la peur. La diplomatie parlementaire "se joue à tous les degrés : avec le gouvernement, avec les chefs de groupes dans le parlement, avec les électeurs influents. Les politiciens cherchent à tirer le meilleur parti possible des forces discordantes qui se présentent sur le terrain politique.".
     
     

    Discourant sur les mérites respectifs de JAURES et de VAILLANT, il condamne les deux méthodes du socialisme officiel qui "supposent une même donnée historique. Sur la dégénérescence de l'économie capitaliste se greffe l'idéologie d'une classe bourgeoise timorée, humanitaire et prétendant affranchir sa pensée des conditions de son existence ; la race des chefs audacieux qui avaient fait la grandeur de l'industrie moderne disparaît pour faire place à une aristocratie ultra-policée, qui demande à vivre en paix. Cette dégénérescence comble de joie nos socialistes parlementaires."
     
     

    Plus loin, l'auteur écrit : "Deux accidents sont seuls capables (...) d'arrêter ce mouvement : une grande guerre étrangère qui pourrait retremper les énergies et qui, en tout cas amènerait, sans doute, au pouvoir des hommes ayant la volonté de gouverner ; ou une grande extension de la violence prolétarienne qui ferait voir aux bourgeois la réalité révolutionnaire et les dégouterait des platitudes humanitaires avec lesquelles JAURES les endort. C'est en vue de ces deux grands dangers que celui-ci déplie toutes ses ressources d'orateur populaire : il faut maintenir la paix européenne à tout prix ; il faut mettre une limite aux violences prolétariennes."
     

       Suivant Karl MARX, Georges SOREL refuse ces contrats collectifs et le particularisme corporatif propre à éviter la révolution. Seule la révolution violente prolétarienne peut assurer la révolution future, la réelle,
     

     et le danger qui menace vraiment l'avenir du monde ne peut être écarté que si le prolétariat parvient à "reconsolider la division en classes et à rendre à la bourgeoisie quelque chose de son énergie". Cette révolution prolétarienne est au service "des intérêts primordiaux de la civilisation". Elle doit agir, non pour obtenir des avantages immédiats, mais pour "sauver le monde de la barbarie", entendez par là sauver le monde du capitalisme.
     


               Le troisième chapitre s'élève contre les préjugés contre la violence. Il récuse l'image que le grand public se fait de la violence prolétarienne, qui provient de l'expérience de la Révolution Française, et singulièrement de 1793. Le public a en tête le souvenir "des opérations de police, des proscriptions et des séances de tribunaux serviles". Contre cette image, Georges SOREL veut restituer la réalité des journées de cette année ressentie comme funeste. "La férocité des conventionnels s'explique facilement par l'influence des conceptions que le Tiers Etat avait puisées dans les pratiques détestables de l'Ancien Régime." Depuis cette époque, de grands changements sont intervenus. Notamment l'affaire DREYFUS qui "nous a montré que l'immense majorité des officiers et des prêtres concevait toujours la justice à la manière de l'Ancien Régime". L'auteur clame que "Nous avons le droit de conclure (...) que l'on ne saurait confondre les violences syndicalistes exercées au cours des grèves par des prolétaires qui veulent le renversement de l'Etat avec ces actes de sauvageries que la superstition de l'Etat a suggérés aux révolutionnaires de 93, quand ils eurent le pouvoir en main et qu'ils purent exercer sur les vaincus l'oppression (...)". Dans le texte, Georges SOREL évoque surtout l'apparence juste qu'a l'Etat qui continue tout de même son travail d'oppression depuis la fin de la Révolution Française, mais n'apporte pas véritablement d'arguments solides (à part des réflexions sur l'intensité des violences sociales exercées) pour défendre ce qu'il faut tout de même penser comme un acte de foi.
     


           Ayant écarté les préjugés contre la violence, il peut développer au chapitre 4 la grève prolétarienne. Il oppose les confusions des socialismes parlementaires à la clarté de la grève générale. Il veut perfectionner le marxisme en partant de cette grève générale, préparer la révolution et la rendre "irréformable".
      "Les syndicats révolutionnaires raisonnent sur l'action socialiste exactement de la même manière que les écrivains militaires raisonnent sur la guerre; ils enferment tout le socialisme dans la grève générale ; ils regardent toute combinaison comme devant aboutir à ce fait ; ils voient dans chaque grève une imitation réduite, un essai, une préparation du grand bouleversement final". Georges SOREL se réclame d'une nouvelle école, "qui se dit marxiste, syndicaliste et révolutionnaire (et qui s'est) déclarée favorable à l'idée de grève générale, dès qu'elle a pu prendre une claire conscience du sens vrai de sa doctrine, des conséquences de son activité ou de son originalité propre."
     
     

      "Il importe peu que la grève générale soit une réalité partielle, ou seulement un produit de l'imagination populaire. Toute la question est de savoir si la grève générale contient bien tout ce qu'attend la doctrine socialiste du prolétariat révolutionnaire."  En ce sens, Georges SOREL croit beaucoup à la force du mythe de la grève générale, très influencé qu'il est par les thèses de BERGSON sur la force des représentations mentales des événements, qui agit directement sur la réalité. "Grâce à eux (ces hommes qui agissent pour la grève générale), nous savons que la grève générale est bien ce que j'ai dit : le mythe dans lequel le socialisme s'enferme tout entier, c'est-à-dire une organisation d'images capables d'évoquer instinctivement tous les sentiments qui correspondent aux diverses manifestations de la guerre engagée par le socialisme contre la société moderne. Les grèves ont engendré dans le prolétariat les sentiments les plus nobles, les plus profonds et les plus moteurs qu'il possède ; la grève générale les groupe tous dans un tableau d'ensemble et, par leur rapprochement, donne à chacun d'eux son maximum d'intensité; faisant appel à des souvenirs très cuisants de conflits particuliers, elle colore d'une vie intense tous les détails de la composition présentée à la conscience. Nous obtenons ainsi cette intuition du socialisme que le langage ne pouvait pas donner d'une manière parfaitement claire - et nous l'obtenons dans un ensemble perçu instantanément.".
     
     
     

          Dans une grand partie de ce chapitre, l'auteur essaie de montrer l'indentité fondamentale entre les thèses capitales du marxisme et les aspects d'ensemble de la grève générale.
     
     
     


          Deuxième grand chapitre au coeur de ses Réflexions sur la violence, le cinquième chapitre porte sur la grève générale politique. Georges SOREL dénonce l'emploi des syndicats par les politiciens et s'appuie sur l'expérience des grèves générales en Belgique et en Russie pour montrer à quoi peut ressembler une véritable grève générale, politique et non politicienne. Il indique la différence essentielle entre grève entendue au sens de la lutte des classes et grève instrumentalisée par l'Etat. "Tantôt on emploie les termes force et violence en parlant des actes de l'autorité, tantôt en parlant des actes de révolte. Il est clair que les deux cas donnent lieu à des conséquences fort différentes. Je suis d'avis qu'il y aurait grand avantage à adopter une terminologie qui ne donnerait lieu à aucune ambiguïté et qu'il faudrait réserver le terme violence pour la deuxième acception ; nous dirions que la force a pour objet d'imposer l'organisation d'un certain ordre social dans lequel une minorité gouverne, tandis que la violence tend à la destruction de cet ordre. La bourgeoisie a employé la force depuis le début des temps modernes, tandis que le prolétariat réagit maintenant contre elle et contre l'Etat par la violence." 
    Dans le processus de la grève générale, Georges SOREL est très clair : "on peut encore dire que le grand danger qui menace le syndicalisme setait toute tentative d'imiter la démocratie ; il vaut mieux pour lui savoir se contenter, pendant un temps, d'organisations faibles et chaotiques que de tomber sous la domination de syndicats qui copieraient des formes politiques de la bourgeoisie."
     
     


          La moralité de la violence est un chapitre qui semble partir dans plusieurs directions, mais qui aboutit à "la recherche du sublime dans la morale".
     
     

      - Ainsi, Georges SOREL examine d'abord la possibilité de maintenir la scission avec peu de violence grâce à un mythe catastrophique, pour... la récuser.
     
     

      - Ensuite, il pointe les anciennes habitudes de brutalité dans les écoles et les ateliers, la stigmatisation des classes dangereuses, l'indulgence pour les crimes de ruse (entendez par là les jeux d'argent de la haute finance).
     
     
     

      - Toute une partie est consacrée à la loi de 1884, dite WALDECK-ROUSSEAU, sur les syndicats, visant à institutionnaliser l'arbitrage. La radicalité de Georges SOREL s'exprime toujours pleinement : "Transformer les syndicats en associations politico-criminelles servant d'auxiliaires au gouvernement démocratique, tel fut le plan de WALDECK-ROUSSEAU depuis 1884; les syndicats devaient jouer un rôle analogue à celui que nous avons vu jouer aux Loges, ceux-ci servant à faire l'espionnage des fonctionnaires, ceux-là étant destinés à menacer les intérêts des patrons peu favorables à l'administration; les francs-maçons étant récompensés par des décorations et des faveurs accordées à leurs amis; les ouvriers étant autorisés à arracher à leurs patrons des suppléments de salaire. Cette politique était simple et ne coûtait pas cher."
     
     

       - L'auteur se centre sur le socialisme allemand pour montrer que les traditions nationales jouent un très grand rôle.
     

     
           Le dernier chapitre dénonce la morale des politiciens démocrates. Évoquant tour à tour les inquiétudes de RENAN, la morale de NIETZSCHE, la théorie de PROUDHON sur la famille, la morale d'ARISTOTE et les hypothèses de KAUTSKY, Georges SOREL veut montrer la vraie morale des producteurs, celle des travailleurs des ateliers, des artistes et des soldats de la liberté. "(...) l'idée de la grève générale, rajeunie par les sentiments que provoque la violence prolétarienne, produit un état d'esprit tout épique et, en même temps, tend toutes les puissances de l'âme vers des conditions qui permettent de réaliser un atelier fonctionnant librement et prodigieusement progressif."
     
     


             Trois appendices terminent le livre de Georges SOREL, Unité et multiplicité, très influencé par RENAN et BERGSON ; Apologie de la violence, nécessaire au socialisme (article paru en 1908) et pour LENINE (1918) qui réagit à un article du Journal de Genève.
     
     


            L'impact des Réflexions sur la violence ne peut se distinguer de celui de l'oeuvre de Georges SOREL dans son ensemble, notamment parce que précisément, ce livre est constitué d'une réunion d'écrits publiés auparavant dans des journaux. Nombre d'auteurs s'en sont inspirés, aux deux extrêmes de la pensée politique. Pierre LASSERRE (Action française), comme Walter BENJAMIN ou Carl SCHMITT, ou encore François PERROUX... L'oeuvre est peu connue en France, et encore moins lue, que dans les autres pays. Il faut noter que Georges SOREL n'est pas l'inventeur du syndicalisme révolutionnaire. Fernand PELLOUTIER l'a précédé. A l'image du parcours de son auteur, l'accueil fait aux Réflexions sur la violence reste ambigu. Si les affinités entre Georges SOREL et Benito MUSSOLINI sont loin d'être incontestables, la filiation avec LENINE, souvent proclamée, est encore plus discutable. Si l'on suit Louis SOUBISE, "le principal paradoxe de l'oeuvre sorélienne réside peut-être en ceci que son anarchisme proudhonien et sa violence nietzschienne se veuillent la plus haute fidélité à MARX en insufflant une épique à la théorie et à la pratique marxistes."
     
     
     


           Georges SOREL, Réflexions sur la violence, 1908, Marcel Rivière. L'édition de 1936, huitième édition, comporte le plaidoyer pour LENINE. Il s'agit d'un ouvrage de 458 pages, numéro IV des "Etudes sur le devenir social".
     
     

    Le plaidoyer pour LENINE est ajouté lors de la quatrième édition définitive chez le même éditeur toujours en 1919.
     

    Une édition de 1990, avec bibliographie et index est disponible aux Editions Seuil. Une autre édition 2006 est également disponible chez Labor.
     

    Par ailleurs, une édition électronique sur Internet est disponible sur le site de l'UQAC (Université du Quebec A Chicoutimi),  classiques en sciences sociales : celle de 1972 parue chez Marcel Rivière. Comme d'autres oeuvres de Georges SOREL, tombées dans le domaine public, comme tout ouvrage datant d'avant 1923.
     
     

         Louis SOUBISE, article Georges SOREL, Encyclopedia Universalis, 2004.
     
     
     
     

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  • Vilfredo Pareto:

     

     

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    Vilfredo Pareto est né en 1848 à Paris, l'épicentre des révolutions populaires de cette année. Son père, Raphaël Pareto, est un ingénieur italien, noble génois, exilé d'Italie comme partisan de Mazzini, républicain et anti-piémontais ; sa mère, Marie Métenier (1813-1889), est française, issue d'une modeste famille de vignerons de l'Allier. Le grand-père paternel, Giovanni Benedetto Pareto, avait été fait baron de l'Empire par Napoléon.

     

     

    Pendant son enfance, il fait ses études primaires à Paris, et son père ayant été politiquement réhabilité en 1858, ses études secondaires à Gênes. En Italie, Pareto vit dans un milieu de la classe moyenne, recevant une éducation de niveau élevé. Il fait des études supérieures de sciences mathématiques et physiques à Turin et, en 1870, il est diplômé en ingénierie de l'École polytechnique de Turin. Sa thèse est intitulée Principes fondamentaux de l'équilibre des corps solides. Il manifeste son intérêt pour l'analyse de l'équilibre en économie et sociologie et devient, en 1874, membre fondateur de la Società Adamo Smith (société florentine d'économie politique).

     

     

    Pendant quelques années, il travaille comme ingénieur, d'abord pour la compagnie italienne des chemins de fer, publique, puis dans l'industrie privée et devient directeur des Ferriere italiane. Son travail le fait voyager.

     

     

    En 1886 il devient maître de conférences à l'université de Florence. Son séjour à Florence est marqué par son activité politique, largement alimentée par ses frustrations contre les régulateurs étatiques. Libéral, il attaque le socialisme, le militarisme et le protectionnisme du gouvernement.

     

     

    En 1889, après la mort de ses parents, Pareto change de style de vie : il quitte son travail et se marie à Alexandra Bakounine, d'origine russe. Il commence à écrire de nombreux articles polémiques contre le gouvernement, ce qui lui vaut des difficultés avec les autorités comme l'interruption d'une de ses conférences par la police ou le refus d'une autorisation d'enseigner l'économie politique.

     

     

    En 1893, il est nommé maître de conférences en économie à l'université de Lausanne en Suisse à la place de Léon Walras qui le lui a proposé. À ce poste, il participe à la renommée de l'école de Lausanne : sous son impulsion en effet, les facultés de droit et de lettres proposent au canton de Vaud, en 1902, la création d'un nouveau diplôme universitaire, un diplôme de sciences sociales. En 1907, le canton crée la première chaire suisse de sciences politiques et sociales et la lui confie. En 1909, Vilfredo Pareto abandonne l'enseignement pour se consacrer entièrement à la sociologie et à l'écriture.

     

     

    En 1898, il héberge des socialistes italiens fuyant la répression des émeutes.

     

     

     

    En 1902, sa femme le quitte, mais le divorce n'est prononcé que le 19 juin 1923, deux mois avant sa mort. À partir de 1902, il vit avec Jeanne Régis, et ce, jusqu'à sa mort.

     

     

    En 1906, il fait la fameuse observation selon laquelle vingt pour cent de la population possède quatre-vingts pour cent de la propriété en Italie, observation à l'origine du principe qui porte son nom.

     

     

    En 1917, l'université de Lausanne organise son jubilé.

     

      

    En 1923, il conseille aux fascistes d'adopter une politique libérale. Il meurt à Céligny, dans le canton de Genève, le 19 août 1923.

     

     

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  • Jean CAU « le cathare »

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C’est le 18 juin 1993, en plein solstice d’été que Jean Cau nous a quitté pour reposer dans sa terre natale de Carcassonne. Il vit le jour à Bram en 1925, dans cette terre dure et âpre du Lauragais qui façonne les hommes à la serpe d’une rudesse proverbiale. Comme beaucoup, les feux de paris l’attirèrent. À 25 ans, après avoir passé sa licence de philo, il partit à la conquête de la ville des prodiges.

     

     

    Un drôle de paroissien

     

     

    Il va rapidement devenir un des légendaires « paroissiens » du tout Paris existentialiste de Saint-Germain-des Prés. En 1947, Jean-Paul Sartre l’engagea comme secrétaire. Près de celui dont il se dira le « fils indocile », Jean Cau participera pendant neuf années à tous les grands débats de la gauche d’alors. On le trouve aux côtés de Simone de Beauvoir, Jean Genet, au cœur de cette fébrile intelligentsia, où la dialectique n’enlève rien au brillant des débats. Il occupe à cette époque, pour travailler, un miniscule bureau rue Bonaparte. Il se rend souvent au théâtre en compagnie de Simone de Beauvoir pour voir répéter les pièces de Jean-Paul Sartre. Il déclarera plus tard : « Je ne luis dois rien mais je lui dois tout ! », il ajoutera « le secrétaire de Sartre ! Jamais titre ne fut plus cocassement porté, jamais patron semblable ne naîtra sous le soleil ».

     

     

    Les Temps Modernes et le Goncourt

     

     

    À partir de 1949 il va collaborer à la revue des « temps modernes », il va devenir un écrivain accompli et c’est très justement qu’il recevra en 1961 le prix Goncourt pour son roman La Pitié de Dieu. Comment celui qui avait commencé sa carrière sous les auspices favorables de Jean-Paul Sartre et de France-Observateur [ancêtre du Nouvel Observateur], comment celui qui venait de recevoir le prestigieux prix Goncourt, par un de ces coups de tonnerre, par un courage fou, allait se mettre à dos tout le gratin de la gauche intellectuelle ? Comment Jean Cau est-il devenu un homme de droite ? Lui, aimait à dire qu’il se demandait comment il avait pu être de gauche. Ce paradoxe n’est qu’apparent, en se penchant sur ses racines paysannes et sudistes il affirmait : « c’est moi fils, petit-fils, et arrière petit-fils de serfs qui scande l’éloge de la noblesse ». Ce fut une prise de conscience que de réaliser qu’il appartenait à un autre monde, un monde qui n’était pas gouverné par l’argent, mais par la parole, un monde resté féodal ou seigneurs et serfs étainet précisément du même monde.

     

     

     

    L’empreinte de Nietzsche

     

     

     

    C’est ce qui le conduira à Nietzsche et à ses affirmations marquées de son sceau « une société inégalitaire produit des élites, une société égalitaire fabrique des malins ». Dès ces premières lignes imprimées, toute la philosophie de Jean Cau y est contenue, et sans qu’il le sache déjà, il ne pouvait pas être de gauche. Ce qu’il reprochera à notre époque est : la lâcheté, la braderie de l’héritage de civilisation légué par nos pères au profit d’un mercantilisme de bas étage, c’est de trahir ce qui a fait notre grandeur et notre force, pire c’est d’en avoir honte et de choisir la voie de l’infantilisation pour fuir les responsabilités. Ce qu’il haïssait le plus dans cette gauche « molle » c’est la légitimation idéologique de l’abaissement.

     

     

     

    Retour aux sources

     

     

     

    Né sur une terre dure, du côté gris de notre midi qu’il aima avec passion, il fit l’acquisition à deux pas de la mer, d’une bergerie donnant sur l’étang de Bages et de Peyriac de mer qu’il aménagea. On peut voir de ce point de vue imprenable les trains venant de Perpignan qui en rentrant dans Narbonne passe devant la maison de l’autre grand Audois, Charles Trénet qui y repose maintenant.

     

     

    Sa grande passion pour l’Espagne

     

     

     

    Mais la grande passion de Jean, ce fut l’Espagne, celle qui était encore fière et pouilleuse, celle qu’il chanta avec une passion brûlante dans un de ces livres phares : Sévillanes [1987]. Il retrouvait dans les valeurs héroïques du peuple espagnol, la clef de son âme, comme eux, Jean ne pouvait admettre l’amour que comme consubstantiel de la mort. Il aimait à dire que quand on aime la corrida, on ne peut être de gauche, car la corrida est le drame sacré par excellence, la dernière survivance de l’antiquité. Il aimait dans la faena « le temple », cette espèce de douceur nonchalante, qui, dans certains instants de grâce, confère une noblesse indicible recommencée chaque fois, quand l’homme et la bête s’unissent comme dans une danse d’amour et de mort. « Pour moi, quand monte la musique accordée au temple, mon âme (mes ancêtres cathares sont-ils passés par là ?) s’épure pour s’ouvrir à la lumière, ma chair se fait verbe, douce mon endurance et je m’éprouve parfait, lavé de la souillure, car ce à quoi je participe est le bien ».

     

     

    La solitude du réprouvé

     

     

     

    Son cheminement fut exemplaire. Il faut faire preuve d’un courage hors-norme pour après avoir été à la mode, accepter le rôle du réprouvé, affirmer seul contre tous, que la grandeur est mieux que la bassesse, que l’héroïsme est plus honorable que la capitulation, que l’amour est préfèrable à l’érotomanie, que la guerre nécessite des vertus, et surtout que les peuples lâches sont asservis par les peuples braves. La dernière étape de son chemin de croix fut quand il assuma sans peur son nationalisme européen. La sanction ne se fit pas attendre : tous ses amis lui sont tombés dessus ; dès que son nom était prononcé, c’était des cris d’orfraies, dès qu’un de ces livres était publié c’était la chape de plomb du silence de la part des critiques, mais peu importe, il ft preuve d’un talent éclatant, fait de culture et d’ironie, sans parler de son immense contribution au journalisme.

     

     

     

    À l’image de Fausto Coppi et de Manolete

     

     

     

    C’est pudiquement et silencieusement que ce fils de petites gens du Languedoc, s’en est allé un vendredi de juin, à la veille de sa soixante-huitième année. Il représentait l’archétype du cathare insoumis, lui qui avait le physique de ses deux idoles Fausto Coppi et Manolete, issu comme il aimait à le dire d’une famille et d’un pays maigres, ce qu’il considérait comme une chance. Il était doté d’un orgueil qui le faisait appeler « le loup », en raison de son allure solitaire, il possédait une certaine idée de la France et de l’Europe, à laquelle nous sommes attachés et qui, pour nous comme pour Jean, rien ne peut venir en altérer notre fidélité. Toi, l’amoureux du terroir, de notre hsitoire et de sa grandeur, tu nous as montré la vraie liberté à travers ta vie et ton écriture, tu restes toujours présent dans nos cœurs.

     

     

     

    Jean-Pierre Blanchard, Montségur n°6, nov. 2001.

     
     
  • REFLEXION DU PASTEUR...

     

     

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    Sur le social

     

     

     

    L'impératif catégorique sur le social a été exposé de manière la plus convaincante par Proudhon, toutes les fois qu'il traite de la capacité du peuple à peser sur l'économie. Son œuvre est ponctuée de nombreux plaidoyers en faveur de la capacité des gens à agir. Cette capacité repose sur la mise en porte-à-faux de la société et de l'Etat, lequel doit son existence à l'hypothèse erronée de l'impersonnalité et de l'inertie physique, intellectuelle et morale du peuple de France dans la question sociale. Selon Proudhon, rien ne peut être résolu définitivement sans la prise en main des rênes de l'administration politique. Pour en revenir à la vie réelle des hommes vivants et agissants, il nous faut, nous dit le jeune Marx, cesser la spéculation et s'engager dans une action qui agisse sur l'activité pratique des hommes.

     


     
    Mon hypothèse est que" la praxis" constitue la première norme à respecter en ce qui concerne l'approche sociale. Il y a la possibilité pour les hommes de diriger l'économie au lieu de la subir comme c’est le cas maintenant. La praxis sociale solidaire est là pour transformer le réel, et éliminer le plus possible ce qui est contraire à un gouvernement populaire.

     

     


     
    Evidemment, le risque d'échec encouru est grand, il faut agir ici et maintenant, sur le terrain de l'économie, car si le monde suivait la même volonté, il s'en porterait mieux. Cela passe par la mise sur pied de structures de micro crédits, de commerce équitable national, d'échanges non monétaires ou d'accompagnements et création d'entreprises alternatives et solidaires pour notre pays et pour les nôtres, qui font réseau sur tout notre territoire.

     

     


     
    Cela ne se fabrique pas " in vitro" mais "in vivo". Les "œuvres" des patriotes alternatifs et solidaires ne peuvent donc pas se caler dans des dispositifs standardisés. On a sublimé les outils d'accompagnements mais minoré l'initiatives du citoyen. Pratiquer une approche sociale patriotique et alternative, c’est d'une certaine manière revenir en le modernisant, aux communautés de valeur de l'ancienne France. Cela se définit comme un mouvement critique de notre société, porteur d'une culture alternative pour un véritable changement social.

     


     
    C’est comme cela que se nouera des relations d'entraide où chacun est le pair de l'autre. C'est le contraire de la relation d'assistanat, et cela par la mise en place de réseaux d'encadrement dans la convivialité.


         

     

    Pasteur Blanchard

     

     

     

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  • JERRY LEWIS, LE DERNIER GÉNIE:

     

     

     COMIQUE DE L’HISTOIRE

     

     

     

     
     
     
     
     
    Journaliste, écrivain
     
     
     
     

     

    Jerry Lewis vient de lâcher sa dernière grimace à 91 ans, âge qu’aurait eu Marilyn Monroe si elle avait encore été de ce demi-monde. Aux USA, les Américains aimaient à blaguer sur ce thème : « Il n’y a vraiment que vous, les Français, pour porter cet histrion au pinacle ! »

     

     

    Il est vrai que la France est une éminente nation cinéphile. Il n’y a que François Truffaut pour disséquer l’œuvre d’Alfred Hitchcock alors que, de l’autre côté de l’Atlantique, il n’est tenu que pour aimable faiseur de films à suspense. Il n’y a aussi qu’un Bertrand Tavernier pour considérer Clint Eastwood comme auteur à part entière, tandis que là-bas, il n’est jamais que manieur de Magnum 44 – le plus puissant soufflant au monde, tel qu’affirmé dans le pré-générique du Magnum Force de Ted Post, deuxième opus des aventures de l’inspecteur Harry.

     

     

    Pour donner une simple idée du niveau local, le plus gros succès de l’ami Clint n’est autre que Doux, dur et dingue, bouse consternante dans laquelle il donne la réplique à un orang-outang… De manière très logique, Jerry Lewis faisait donc figure, à Hollywood, de simple clown propre à faire rire éternels petits et grands demeurés. Tout aussi logique pour un peuple dont le seul hebdomadaire consacré au septième art se nomme Variety et se contente de compter les millions de dollars gagnés ou perdus. Ce n’est pas pour entonner le tango du cocorico, mais en cette France symbolisant à elle seule Vieux Monde et ancienne Europe, de Mad Movies aux Cahiers du cinéma, de Starfix à Positif, ça alignait tout de même un peu plus de neurones et de divisions !

     

     

    Jerry Lewis, donc. Pitre à figure élastique et physionomie caoutchouteuse, inventa à lui seul un univers, tels Charlie Chaplin, Laurel et Hardy ou Buster Keaton en leur temps. Un simplet qui, voulant bien faire, ne causait que catastrophes autour de lui. Certes, sa carrière tint plus souvent du champ de navets que du caviar sur canapé, même s’il convient de sauver de l’oubli des pépites telles que Trois bébés sur les brasLe Dingue du palace ou Le Zinzin d’Hollywood, par ses soins réalisés : Jerry Lewis était un metteur en scène très sous-estimé, même si tout le petit monde de la critique, à juste titre d’ailleurs, s’accorde à saluer l’inoubliable Docteur Jerry et Mister Love, relecture pop et foutraque du classique de Robert Louis Stevenson, L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, à l’occasion duquel il tient à la fois le premier rôle, devant comme derrière la caméra.

     

     

    Film éminemment représentatif de la personnalité du défunt ? Un peu, sûrement, puisque capable, à quelques années d’écart, de tenir à bout de bras son film maudit, The Day the Clown Cried(1972), tout en panouillant, en 1984, dans le non moins maudit Par où t’es rentré… on t’a pas vu sortir, du très oubliable Philippe Clair.

     

     

    Dans le premier, il incarne ce clown interné dans un camp de concentration et qui tente de faire rire de petits enfants juifs avant extermination programmée. Ce film, qui préfigurait le très édulcoré La vie est belle de Roberto Benigni et le bouleversant Effroyables Jardins de Jean Becker, causa un tel scandale que le film fut interdit de diffusion, avant d’être enterré à la Librairie du Congrès de Washington.

     

     

    Dans le second, mis en scène d’un pied gauche distrait par Philippe Clair, expert en bidasseries et topless tropéziens, bienvenue dans la comédie pouet-pouet patahouète. La distribution donne le vertige : Jackie Sardou, Philippe Castelli, Marthe Villalonga et Sophie Favier. Soit la face Hyde du Jekyll venant de nous quitter. Mais bon, quelle rigolade, dans le registre du petit plaisir coupable et chafouin…

     

     

    Pour mémoire, on préférera se rappeler l’émouvant hommage rendu par Jerry Lewis, le 2 février 1980, à Louis de Funès, salle Pleyel à Paris, alors que ce dernier recevait un César d’honneur pour l’ensemble de sa prodigieuse carrière. Eh oui, et c’est ainsi, snobé en son pays d’adoption, notre Fufu national était vénéré à Hollywood : Woody Allen le tenait pour un géant, ne comprenant pas pourquoi il n’était pas plus célébré en nos contrées, et Charlie Chaplin rêvait de lui donner la vedette de cet ultime film qu’il ne parvint jamais à concrétiser.

     

    La vie est parfois mal faite.

     

    En attendant, continue de bien tenir la rampe, Jerry !

     
  • JEAN CAU, FILS DU LANGUEDOC.

     

     

     

     

     

     

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    Il a été un des rares à avoir croqué l'image paradisiaque de notre midi,

    et de l'Espagne qu'il aimait tant.

    Ce fou de la langue Française , à la plume flamboyante,

    a si bien décrit ce qui fait le sel de nos vies,

    le soleil, la vie, la mort, l'amour et la cruauté !

     

     

    Je ne l'ai jamais rencontré

    mais suite à divers liens épistolaires,

    il m'a remercié par une jolie lettre manuscrite.

     

     

    Après sa mort, je me suis rendu en pèlerinage à Bram,

    son village natal sur la route de Toulouse,

    ainsi que sur sa tombe au cimetière de Carcassonne.

    C’est l'époque où j'ai fait la connaissance de sa sœur et de son neveu,

    qui m'ont invité à la bergerie qu'il avait aménagé au-dessus de l'étang de Bage.

    J'ai eu aussi le privilège de visiter son petit appartement rue de Seine.

     

     

     

    Il était certainement un des derniers à porter en lui "l'esprit de tradition",

    âme de notre Languedoc,

    cette vertu si précieuse que la modernité a fini par détruire.

    Toute son œuvre est un cri contre ce monde délétère

    qui efface toute dignité et tout sens de l'honneur,

    terreau sur lequel prospère notre société décadente.

     

     

    Pasteur  Blanchard

  • Jules Monnerot (1908-1995)

     

     

     

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    Ce sociologue français est à l'origine du déclin intellectuel du plus grand fléau du XXéme siècle qu’est le communisme. Il le décrit comme une religion séculière conquérante, comparée à l'Islam, et dont il a réfuté la doctrine : le marxisme. Dès 1963, il avait annoncé l'échec de l'Union soviétique.


     

     

    Monnerot présente cette particularité d'être connu et censuré. En France, aucun gouvernement n'a jamais voulu combattre le communisme, même en dépit de l'effondrement du système soviétique. Il demeure partie prenante de notre société, consolidé par un dirigisme, et affermi par des médias dont le langage ne s'éloigne pas des préjugés marxistes.

     

     


     
    Ce langage, Monnerot l'a élucidé: c'est celui de la guerre psychologique faite aux français, pour qu'ils acceptent ce dont ils ne veulent pas, par exemple: l'Islamisation de la France et l'Europe de Maastricht. Enfin il est le sociologue qui a renouvelé la recherche fondamentale sur l'action historique, en vue de donner des bases solides à la politique.

     


     
     
     
            Le site: http://julesmonnerot.com/

     

     

     

     

     

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  • Charles Péguy, ce gêneur qui dénonçait "la puissance de l'argent"

     

     

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    S’il faut en croire François Bayrou, péguyste de toujours (il lui a consacré un mémoire de maîtrise), ses fervents se reconnaissent entre eux, forment une confrérie, presque une «cité». À quoi Alain Finkielkraut répond sèchement, lors d’un colloque récent au Sénat, qu’il n’a pas du tout envie d’être dans la même «cité» qu’Edwy Plenel, autre péguyste qui s’est élevé contre l’interdiction du spectacle de Dieudonné, le mal nommé. Plenel commente:

     

     

     

    Je crois être resté un péguyste qui bataille, alors que Finkielkraut a cédé face à ceux auxquels Péguy n’a jamais cédé, à l’époque, et je pense à l’Action Française. Péguy a écrit qu’il faut être capable de défendre une cité sans étrangers. M. Finkielkraut décide qui est l’étranger.

     

    Les intellectuels, même péguystes, se déchirent.  

     

    Pour Péguy, fils de rempailleuse de chaises et de menuisier, et quoique normalien lui-même, l’artisan, le paysan, ont plus de chance de faire bien ce qu’ils font. C’est la fameuse phrase:

     

     

    Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire, il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron, ni pour les connaisseurs, ni pour les clients du patron, il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même. 

     

    Mais pas seulement les humbles. Le soldat, l’artiste, le député, et même l’intellectuel. Bien faire les met sur un pied d’égalité, les unit, les réunit. Dans l’idéal, du moins… Tous agissent, et pour ce poète, le livre est action. Des textes, il en a écrit, il en a édité, solitaire et superbe, dans ses fameux «Cahiers de la Quinzaine», sa revue, qu’il porta quinze ans durant comme on porte une croix ou la bonne nouvelle, il en a corrigé, il en a vendu dans sa librairie de la rue Cujas, où il faisait tout, de la rédaction en chef jusqu’aux paquets à poster.

     

     

    Péguy le prophète

     

     

    Si Péguy fascine des lecteurs aujourd’hui, amis ou ennemis, c’est qu’il a prédit ce que ce serait le monde. Le député René Dosière met un point d’honneur à «caser une phrase de Péguy» dans chacune de ses interventions à la Chambre, et Jacques Julliard, qui met Péguy dans un coin de son quadrilatère personnel, avec Simone Weil, Proudhon et Georges Sorel, dit, lui: «L’important n’est pas qu’il y ait des "péguystes", mais que le monde relève de Péguy, et de plus en plus.»

     

     

    C’est un laser, nous dit Bayrou. Voir avec cette précision ce que sera le siècle, ce que le matérialisme entraînera de bouleversements, ce que la sociologie et les changements de méthodes historiques vont produire, discerner ce que les réseaux vont modifier dans la vie intellectuelle, c’est magnifique, impressionnant. 

     

     

    Yann Moix, autre «passionné», est de cet avis : 

     

     

    Il dit qu’à force de mathématiser la nature, on l’oublie. Voyez Fukushima ! Il anticipe l’occupation allemande; il écrit en 1905 : “ Un jour, le boulevard Saint-Germain sera le boulevard Saint-Germain-Strasse.”

     

     

    Péguy déteste l’argent, a écrit des pages inoubliables là-dessus, elles aussi prophétiques:

     

     

     

    Pour la première fois dans l'histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l'argent. 

     

     

    Il ajoute, de manière assez Goldman-Sachsienne :

     

     

     

    Par on ne sait quelle effrayante aventure, par on ne sait quelle aberration de mécanisme, par un décalage, par un dérèglement, par un monstrueux affolement de la mécanique, ce qui ne devait servir qu'à l’échange a complètement envahi la valeur à échanger.

     

     

    Philosémite, révolté, puissamment droit et juste («J’aimerais qu’il me regarde», dit Finkielkraut), courageux, opiniâtre, pauvre, socialiste qui rêve d’un monde où l’homme ne serait pas un loup pour l’homme, chrétien anti-dévot qui ne s’est même pas marié à l’église, Péguy s’est brouillé avec beaucoup d’amis, d’admirateurs, de tièdes et de sangsues. Il s’est même brouillé avec ses ennemis, qui se vengent (l’Action Française le condamne après l’avoir courtisé en vain), ou se vengeront: le régime de Vichy le récupérera parce qu’il était patriote, ce qui ne manque pas de sel; et parce qu’avec cela il défendait le travail et la famille.

     

     

    Vichy a sali beaucoup de mots que Péguy avait fait briller, comme d’autres, aujourd’hui, font main basse sur Jeanne d’Arc. Il faudra dire un jour que ce qui fonde la droite, c’est la perversion du vocabulaire.

     

     

    Quant à l’Eglise, toujours tiède et prudente, elle ne sait plus où elle en est avec ce brûlant converti, pas plus qu’avec Claudel et Green. André Suarès raconte que «le plus grand catholique, et le plus intelligent» lui avait dit un jour: «Mais enfin, qu’est-ce que Péguy? et que veut-il? Ses enfants ne sont même pas baptisés, et il les voue à la sainte Vierge. Je n’y comprends rien.» Hé non, «grand» catholique «intelligent», tu n’y comprends rien, et c’est inguérissable.

     

    Annexé par tout le monde

     

    Il aura donc été annexé par tout le monde, de Maurras à Xavier Niel, et de De Gaulle à Pétain. La grande leçon de Péguy, c’est que les catégories ne fonctionnent pas, ne disent rien, ne servent à rien. Catholiques, anticléricaux, socialistes, petites gens et intellectuels, gauche et droite, mécréants et calotins, rien de tout cela n’est pertinent, puisqu’il a été tout cela, et qu’il était le même. (Jusqu’à la prose et la poésie, qu’il n’a pas distinguées: l’Incarnation montre qu’on ne peut pas séparer le vulgaire et le sublime.)

     

     

    Pour Péguy, le réactionnaire veut perpétuer l’état de désordre et de confusion dans lequel nous vivons; la république est inégalitaire, et le vrai chrétien est anticlérical. Au fond, il n’y a que deux grandes catégories opérantes, les dreyfusards et les antidreyfusards: les justes et les salauds, les courageux et les lâches. Les catégories sont affaire de morale. Tu es peut-être ceci ou cela, oui, mais quoi, où étais-tu, où t’es tu placé dans l’Histoire? Voilà la question qu’on pose. Et Jeanne d’Arc est la réponse de Péguy, qui fut «petite» et «grande», «paysanne» et «guerrière», et qu’un «évêque» brûla.

     

     

    Il croit au progrès, mais c’est l’antimoderne par excellence.

     

     

    Qu’il y ait chez Péguy une inguérissable nostalgie, dit Bayrou, c’est indéniable. Mais après tout, elle n’est pas séparable des vies humaines. Si l’on a toujours dit "c’était mieux avant", c’est que ce sentiment est celui de l’homme.

     

    Et puis il est drôle : 

     

     

    Le plus burlesque de la littérature française, dit Moix. Quand il opère un forage, il ne s’arrête jamais. Il fait vingt pages pour se moquer des spécialistes, des glosateurs, ou trente sur la notion de sac à dos. Et c’est à mourir de rire.

     

     

    Dans les 35000 alexandrins d’«Eve», près de 2000 sont une rabelaisienne et presque décourageante accumulation d’anathèmes contre les pédagogues, les glypthothèques, les éléphonographes, les sténologographes, les rentiers, les fonctionnaires, les taupiers, les factionnaires, les lanciers, les gardes du corps, les massiers, les portiers des morts, les caissiers, les gardes des sceaux, les huissiers, les greffiers, les notaires et protonotaires… Le linguiste Jean-Pierre Sueur, qui fut longtemps maire d’Orléans (PS), et se trouve présentement sénateur, a brillamment défendu ce délire, en en montrant la rigoureuse organisation.

     

     

    Insituable, Péguy. «Même dans son camp», dit Finkielkraut. «Il exige qu’on voie ce qu’on voit», ajoute-t-il à l’adresse de ces journalistes «qui détestent que les événements ne leur obéissent pas». Il a dénoncé les crimes commis en Arménie, au Congo, en Finlande, en Roumanie, il a fouraillé toute sa vie contre le totalitarisme, écrit «Le triomphe de la République», mais a appelé de ses vœux une société «où la production sera centralisée», où «la concurrence sera supprimée»… Ce qui ne l’a pas empêché d’être un individualiste presque fanatique.

     

     

    Il était un soldat-né, mais il avait peur des vaches et des chevaux, et a écrit:

     

     

    La force ne fonde rien d’éternel. Le droit seul peut fonder une institution. 

     

    Et il était du côté de Jaurès, et des «ébénistes du Faubourg Saint-Antoine» qui ont pris la Bastille ! Tout cela n’est contradictoire qu’en apparence: s’y trouvent enfin combinées, réconciliées, la liberté, l’égalité et la fraternité.

     

    Péguy n'est pas poli du tout

     

    L’œuvre de Péguy, ce sont les «Cahiers»: aussi bien ce qu’il y a publié, «toutes ces enquêtes, rappelle Plenel, qui sont ce qu’il appelle du “ journalisme de renseignement ”» (comme Mediapart, en somme…), que c’est ce qu’il y a écrit, dans son style inimitable. Son incroyable goût des mots, la beauté qu’il y voit. Leur souplesse, leur précision, leur bénévolence. (Son christianisme est païen, parce que païen, en latin, veut dire paysan, et qu’il tient pour l’homme de la terre, du pays. La Beauce et la Brie lui importent infiniment plus que Rome.)

     

     

    Passer de chaire à chair, comment mieux dire l’incarnation du verbe? Et jusque dans les lettres dont les mots sont formés: ne voit-il pas dans les deux jambages du H de Hugo les deux tours de Notre-Dame de Paris, son roman? Francis Ponge n’est pas loin (il n’est jamais loin). Son amour de la répétition, qui remet côté à côte des mots identiques dans une spirale, où leur sens tournoie, toujours semblable et pourtant décalé: «Quand nous reverrons-nous? Et nous reverrons-nous?», demande Jeanne à sa «Meuse endormeuse».

     

     

     

    es litanies, ses listes interminables, interminablement remâchées, avec leurs cascades de points-virgules, et qui sont comme des méditations tourbillonnantes et obsédées. Il ne veut pas du «beau style», qui fait du mal à la langue, l’empoisonne au moins autant que la faute; les images et les métaphores, il n’en veut pas; Péguy n’est pas poli du tout, il est rugueux, invente des mots quand ils n’existent pas.

     

     

     

    Le langage est au cœur de son œuvre, mais le langage comme action. Et s’il répète, redit, recommence sans jamais rien retirer à ses brouillons successifs (encore une fois: comme Ponge), c’est qu’il enfonce son clou, qu’il redonne le même coup de marteau – mais le clou entre dans le bois, à chaque fois plus profondément. Il a foi en son clou: ses redites, c’est un chapelet de coups de marteau.

     

     

     

    Même pamphlétaire, il cherche son mot, et avec quelle violence ! Et quel esprit ! Comme s’il avait tété Saint-Simon, La Fontaine, Retz, Voltaire, tous ces Français redoutables, comme si c’était la France, dans ce qu’elle a de plus coléreux, d’impérieux, de sûr d’elle-même et de sa vérité, de sa «pérennité, pour ne pas dire son éternité» (Bayrou), qui coulait dans ses veines. Il y a de quoi être insupportable.

     

     

    Ce guerrier est mobilisé en août 14. Il tombe au front, frappé au front, pour parler comme lui, le 5 septembre. Même la guerre s’est débarrassée de ce gêneur au plus vite.

     

     

     

    Suarès : « Nul ne crie contre l’Enfer. Péguy eût parlé, il eût poussé son cri. Il n’est pas là, et il n’y a personne.» Depuis Péguy et Suarès, beaucoup ont crié. Et c’est comme s’ils étaient restés muets.

     

     

     

     Jacques Drillon

     

     

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  • Gustave Le Bon:Psychologie des foules.

     

     

     

     

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    Psychologie des foules
    Auteur Gustave Le Bon
    Pays  France
    Genre Essai
    Date de parution 1895
    Nombre de pages 130
    ISBN 9782130542971

    Psychologie des foules est un livre de Gustave Le Bon paru en 1895. Il s’agit d’un ouvrage de référence concernant la psychologie sociale, dont les théories sont encore discutées aujourd’hui. Ce livre marqua un tournant dans la carrière du « célèbre docteur1 »Gustave Le Bon montre dans cet ouvrage que le comportement d'individus réunis n'est pas le même que lorsque les individus raisonnent de manière isolée — il explique ainsi les comportements irraisonnés des foules.

     

    • LIVRE PREMIER : L'âme des foules
      • Chapitre Premier - Caractéristiques générales des foules. Loi psychologique de leur unité mentale
      • Chapitre II - Sentiments et moralité des foules
      • Chapitre III - Idées, raisonnements et imaginations des foules
      • Chapitre IV - Formes religieuses que revêtent toutes les convictions des foules
    • LIVRE II : Les opinions et les croyances des foules
      • Chapitre Premier - Facteurs lointains des croyances et opinions des foules
      • Chapitre II - Facteurs immédiats des opinions des foules
      • Chapitre III - Les meneurs des foules et leurs moyens de persuasion
      • Chapitre IV - Limites de variabilité des croyances et des opinions des foules
    • LIVRE III : Classification et description des diverses catégories de foules
      • Chapitre Premier - Classification des foules
      • Chapitre II - Les foules dites criminelles
      • Chapitre III - Les jurés de cour d'assises
      • Chapitre IV - Les foules électorales
      • Chapitre V - Les assemblées parlementaires

     

     

    Thèses:

     

    L'unité mentale des foules:

     

     

    « Peu aptes au raisonnement, les foules sont au contraire très aptes à l'action »2. Si Le Bon compare parfois les foules à des individus dont les facultés de réflexion seraient faibles, il ne les identifie pas comme de simples agrégats, ni comme des super-individus. Au contraire, une foule est une entité psychologique particulière, irréductible aux individus qui la composent : c'est pourquoi il faut l'analyser comme telle.

    La foule, dans le sens où l'emploie Le Bon, est distincte du simple agrégat d'individus. « Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d'hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s'évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. »3 La distinction entre foule et agrégat n'est pas une question de nombre : des centaines d'individus se trouvant au même endroit dans des buts différents (par exemple, des gens sur un marché, parmi lesquels on trouve des promeneurs, des acheteurs, des vendeurs, des agents de police, etc.) ne forment qu'un agrégat, alors que quelques individus, dans certaines circonstances, constituent une foule. Les foules sont régies par une « loi d'unité mentale des foules ». Elles ont en quelque sorte une « âme », avec des passions et un fonctionnement organique comparable à celui de l'esprit humain. Dans le livre I, Le Bon examine les passions et le mode de représentation d'une foule ; dans le livre II, il examine les origines et les caractéristiques de ses croyances.

     

    « Des milliers d’individus séparés peuvent à certains moments, sous l’influence de certaines émotions violentes, un grand événement national par exemple, acquérir les caractères d’une foule psychologique. Il suffira alors qu’un hasard quelconque les réunisse pour que leurs actes revêtent aussitôt les caractères spéciaux aux actes des foules. A certains moments, une demi-douzaine d’hommes peuvent constituer une foule psychologique, tandis que des centaines d’hommes réunis par hasard peuvent ne pas la constituer3. »

     

    Caractères généraux des foules:

     

     

    Une foule est beaucoup moins déterminée par les croyances des individus qui la constituent que par les circonstances extérieures, des croyances ou des passions générales, ainsi que par l'hérédité. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'intelligence moyenne des individus qui constituent la foule ne change pas grand-chose à ses actions, réactions et décisions : c'est pourquoi, par exemple, les verdicts de jurys formés d'individus hautement éduqués ou d'individus très hétérogènes quant à l'éducation sont similaires4.

     

    « La foule psychologique est un être provisoire, formé d'éléments hétérogènes qui pour un instant se sont soudés, absolument comme les cellules qui constituent un corps vivant forment par leur réunion un être nouveau manifestant des caractères fort différents de ceux que chacune de ces cellules possède5. »

     

    Si l'on raisonne au niveau de l'individu, l'individu en foule acquiert trois caractères que l'on ne trouve que dans l'état de foule :

     

    • l'irresponsabilité. Du fait du nombre, un individu en foule peut ressentir un sentiment de « puissance invincible » et voir ses inhibitions s'effondrer. Il pourra accomplir des actions qu'il n'aurait jamais accomplies seul (par exemple, piller un magasin de façon non préméditée) : « le sentiment de responsabilité... disparaît entièrement. » Ceci vaut surtout pour les foules anonymes et hétérogènes, où l'individu, noyé dans la masse, est difficile (voire impossible) à retrouver par la suite.
    • La « contagion ». Ce que d'autres auteurs, comme David Hume, ont désigné sous le terme de sympathie et thématisé dans les relations inter-individuelles prend ici une ampleur beaucoup plus grande : une même passion agitera tous les membres de la foule avec une grande violence.
    • La suggestibilité. L'individu faisant partie de la foule voit sa conscience s'évanouir, au même titre que celle d'un hypnotisé. Il n'a plus d'opinions, ni de passions qui lui soient propres. Cela explique que des foules puissent prendre des décisions allant à l'encontre des intérêts de leurs membres, comme les Conventionnels qui lèvent leur propre immunité (ce qui leur permettra de s'envoyer les uns les autres à l'échafaud)6.

    « Évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en actes les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l'individu en foule. Il n'est plus lui-même, il est devenu un automate que sa volonté ne guide plus7. »

     

    Il est à noter qu'un individu se trouvant dans un agrégat formant une foule ne fait pas nécessairement lui-même partie de la foule. Auquel cas, il est physiquement présent à côté des autres ou parmi eux, mais ne participe pas à la foule psychologique ; les émotions et les désirs de tous, dans la foule, ne seront pas partagés par lui8.

     

    Les passions des foules:

     

     

    Si les individus qui composent la foule sont si suggestibles, c'est que la foule est en état d'« attention expectante » lorsqu'elle n'est pas déjà animée par une passion très vive.

     

    « La première suggestion formulée qui surgit s'impose immédiatement par contagion à tous les cerveaux, et aussitôt l'orientation s'établit. Comme chez tous les êtres suggestionnés, l'idée qui a envahi le cerveau tend à se transformer en acte. Qu'il s'agisse d'un palais à incendier ou d'un acte de dévouement à accomplir, la foule s'y prête avec la même facilité. Tout dépendra de la nature de l'excitant, et non plus, comme chez l'être isolé, des rapports existant entre l'acte suggéré et la somme de raison qui peut être opposée à sa réalisation9 . »

     

    La foule (qui constitue, à ce titre, un être unique, tant qu'elle subsiste en tant que « foule psychologique ») ne pense pas par des mots et des concepts verbaux, mais par des images. Ces images sont généralement moins celles observées que celles qui possèdent une forte puissance passionnelle : ainsi, une foule craintive et anxieuse peut croire qu'une lumière allumée à un étage constitue un signal à destination d'un ennemi, alors même que c'est objectivement impossible10. De là de possibles hallucinations collectives, dues à la suggestibilité, à la déformation et aux passions très fortes qui animent une foule. De là aussi certains phénomènes de foules connus, comme le lynchage.

     

    « Quels que soient les sentiments, bons ou mauvais, manifestés par une foule, ils présentent ce double caractère d'être très simples et très exagérés. Sur ce point, comme sur tant d'autres, l'individu en foule se rapproche des êtres primitifs. Inaccessible aux nuances, il voit les choses en bloc et ne connaît pas les transitions... La simplicité et l'exagération des sentiments des foules font que ces dernières ne connaissent ni le doute ni l'incertitude. Elles vont tout de suite aux extrêmes. Le soupçon énoncé se transforme aussitôt en évidence indiscutable. Un commencement d'antipathie ou de désapprobation, qui, chez l'individu isolé, ne s'accentuerait pas, devient aussitôt haine féroce chez l'individu en foule11. »

     

    L'individu en foule redevient « primitif ». Les passions qui se transmettent sont extrêmes, elles ne connaissent ni la pondération ni le juste milieu. Une foule qui se prend de haine pour quelqu'un est capable de le réduire en pièces, là où aucun individu isolé ne serait capable de la même férocité. Cependant, grâce à la suggestibilité, des individus en foule peuvent aussi être conduits vers des passions « héroïques » : c'est ainsi que des foules, menées de main de maître, ont pu fournir des contingents entiers de futurs soldats (Le Bon prend souvent comme exemple de ce phénomène les succès de Napoléon Ier, meneur hors pair). Les passions simplistes et extrémistes des foules, leur incapacité à penser rationnellement, les rendent dangereuses autant que profitables pour qui sait en tirer parti.

     

    « Les foules ne connaissant que les sentiments simples et extrêmes ; les opinions, idées et croyances qui leur sont suggérées sont acceptées ou rejetées par elles en bloc, et considérées comme des vérités absolues ou des erreurs non moins absolues. Il en est toujours ainsi des croyances déterminées par voie de suggestion, au lieu d'avoir été engendrées par voie de raisonnement... N'ayant aucun doute sur ce qui est vérité ou erreur et ayant d'autre part la notion claire de sa force, la foule est aussi autoritaire qu’intolérante. L'individu peut supporter la contradiction et la discussion, la foule ne les supportent jamais12. »

     

    Le Bon se méfie de la tyrannie que des foules puissantes peuvent engendrer. Non seulement de telles passions sont très susceptibles de mener à des actes violents, mais de plus les foules se lassent elles-mêmes de leurs propres débordements. Elles se dirigent alors vers la « servitude », qui leur fournit un certain repos après la toute-puissance d'une passion très forte : Le Bon explique ainsi que certains jacobins, durs et cruels sous la Terreur, aient accepté si facilement d'obéir à Napoléon Ier alors même qu'ils envoyaient à l'échafaud toute opposition à leur régime quelques années plus tôt.

     

    La moralité des foules:

     

     

    Par « moralité », on ne peut pas entendre ici des règles normatives transcendantes ou valant sur le long terme, en raison de l'impulsivité et de l'extrémisme des foules. Ce que Le Bon désigne par ce mot est la capacité que l'on peut trouver chez une foule à faire preuve de certains traits que nous jugeons comme vertueux : abnégation, désintéressement, sacrifice de soi (au niveau individuel), etc. Une foule peut envahir un palais et tout y détruire, au nom d'une idée qu'elle-même ne comprend pas, sans qu'aucun de ses membres ne vole un seul objet du palais (alors même que ce serait très intéressant au point de vue de l'intérêt personnel). Le Bon parle d'une certaine « moralisation » d'un individu par la foule, dans la mesure où l'individu en foule, tout en étant capable de la plus grande férocité, tend aussi à respecter une norme immanente. « Au théâtre la foule veut chez le héros de la pièce des vertus exagérées, et il est d'une observation banale qu'une assistance, même composée d'éléments inférieurs, se montre généralement très prude. Le viveur professionnel, le souteneur, le voyou gouailleur murmurent souvent devant une scène un peu risquée ou un propos léger, fort anodins pourtant auprès de leurs conversations habituelles13. »

     

    De telles normes sont en général informelles. Elles ne sont pas écrites dans un code juridique, cependant l'opprobre suscité lorsque quelqu'un attente à ces normes est supposé commun à tous. Elles peuvent être inspirées par n'importe quoi, y compris des idées logiquement contradictoires entre elles. Ce qui est important est la croyance ferme, et éventuellement une habitude ferme, en ces idées en tant que normes. On ne saurait comprendre une telle moralité si on essayait de la comprendre comme s'il s'agissait, par exemple, d'une théorie scientifique ou d'une doctrine philosophique. Les idées qui sont à la portée intellectuelle des foules sont simples, très mal définies, mais fortement connotées au point de vue passionnel : peu de gens sont capables de définir rigoureusement ce qu'est une démocratie ou ce que sont les « droits des peuples », mais beaucoup verront dans de tels mots une valeur morale extrêmement importante.

     

    « Les idées n'étant accessibles aux foules qu'après avoir revêtu une forme très simple, doivent, pour devenir populaires, subir souvent les plus complètes transformations. C'est surtout quand il s'agit d'idées philosophiques ou scientifiques un peu élevées, qu'on peut constater la profondeur des modifications qui leur sont nécessaires pour descendre de couche en couche jusqu'au niveau des foules. Ces modifications... sont toujours amoindrissantes et simplifiantes. Et c'est pourquoi, au point de vue social, il n'y a guère, en réalité, de hiérarchie des idées, c'est-à-dire d'idées plus ou moins élevées. Par le fait seul qu'une idée arrive aux foules et peut agir, si grande ou si vraie qu'elle ait été à son origine, elle est dépouillée de presque tout ce qui faisait son élévation et sa grandeur. D'ailleurs, au point de vue social, la valeur hiérarchique d'une idée est sans importance. Ce qu'il faut considérer, ce sont les effets qu'elle produit. Les idées chrétiennes du Moyen Âge, les idées démocratiques du siècle dernier, les idées sociales d'aujourd'hui, ne sont pas certes très élevées. On ne peut philosophiquement les considérer que comme d'assez pauvres erreurs ; et cependant leur rôle a été et sera immense, et elles compteront longtemps parmi les plus essentiels facteurs de la conduite des États14. »

     

    Pour acquérir une puissance normative, les idées morales des foules ne peuvent venir de la foule elle-même. Elles peuvent être issues de l'hérédité, de l'évènement ou du héros du jour, d'un meneur, d'une passion ou d'un but partagé par tous (attendre la fin d'une bataille par exemple), ou plus généralement de l'environnement historique, mais pas de la foule même, celle-ci étant incapable de créer quoi que ce soit de nouveau hors d'elle-même. Néanmoins, des idées développées par des philosophes ou par des couches « éclairées » de la société peuvent être partagées par la foule. Elles le seront sous une forme beaucoup moins subtile et complexe que celle qui était la leur originellement (voir la citation ci-dessus), et avec beaucoup de temps. C'est ainsi que des idées développées par les philosophes des Lumières n'ont pu « descendre » dans les foules qu'au cours de plusieurs décennies, mais qu'une fois répandues, elles ont suffisamment changé le paysage mental des foules pour être à l'origine de la Révolution.

     

    L'imagination des foules:

     

     

    Imperméables au raisonnement logique, les foules sont très perméables à des associations d'idées que nous pourrions juger primaires ou invraisemblables. Rapporter n'importe quoi à la passion commune du moment, généraliser des cas particuliers et uniques, c'est ainsi que les foules « raisonnent »15. De tels raisonnements ont beaucoup plus à voir avec une imagination décomplexée qu'avec la rigueur de la logique. Par la contagion quasi immédiate des passions et la forte suggestibilité dont elles sont susceptibles, les foules « raisonnent » de façon non verbale, par des images et des associations où l'émotion partagée reste puissante.

     

    « De même que pour les êtres chez qui le raisonnement n'intervient pas, l'imagination représentative des foules est très puissante, très active, et susceptible d'être vivement impressionnée. Les images évoquées dans leur esprit par un personnage, un événement, un accident, ont presque la vivacité des choses réelles. Les foules sont un peu dans le cas du dormeur dont la raison, momentanément suspendue, laisse surgir dans l'esprit des images d'une intensité extrême, mais qui se dissiperaient vite si elles pouvaient être soumises à la réflexion. Les foules, n'étant capables ni de réflexion ni de raisonnement, ne connaissent pas l'invraisemblable : or, ce sont les choses les plus invraisemblables qui sont généralement les plus frappantes16. »

     

    Ce que David Hume reprochait indistinctement à l'individu et au groupe17, Le Bon l'identifie clairement chez les foules et chez des individus « diminués » au point de vue de l'entendement. Le goût du merveilleux, du légendaire, du fantastique, en un mot de l'invraisemblable confondu avec le réel ou le vrai, permet aux images utilisées pour mener une foule d'être beaucoup plus efficaces que n'importe quel raisonnement. Non seulement un raisonnement, requérant un effort de réflexion, constitue une entrave au désir immédiat de la foule, mais en plus il est trop prosaïque pour elle : il faut au contraire une idée d'exception, de toute-puissance, pour mener une foule. Le millénarisme, l'« irréel », fait une forte impression sur une foule, et peut devenir une puissant mobile d'action18.

     

    « Ce ne sont donc pas les faits en eux-mêmes qui frappent l'imagination populaire, mais bien la façon dont ils sont répartis et présentés. Il faut que par leur condensation, si je puis m'exprimer ainsi, ils produisent une image saisissante qui remplisse et obsède l'esprit. Qui connaît l'art d'impressionner l'imagination des foules connaît aussi l'art de les gouverner16. »

     

     

    Conservatisme:

     

     

    En dépit de l'échauffement de l'imagination et de la portée acquise par celle-ci, les foules sont étroitement conservatistes. Les explosions de violence auxquelles on peut assister de la part d'une foule ne sont pas la preuve d'un désir de nouveauté. Au contraire : d'une part, la lassitude que peuvent ressentir les membres de la foule envers leur propre extrémisme peut leur donner envie d'un retour au passé, et d'autre part, les désirs et les craintes de la foule sont plutôt le reflet de désirs communs et de peurs ataviques. Une foule révolutionnaire matérialise le succès d'idées devenues communes, en même temps qu'elle est l'expression d'un instinct de destruction ou d'un désir de toute-puissance ; une autre foule qui croit qu'une fenêtre allumée est un signe adressé à un ennemi (qui ne peut en fait pas la voir) obéit à une crainte instinctive, plus proche de l'animalité que de la réflexion. Pour une foule, quelque chose de fondamentalement nouveau (qui ne renvoie pas à des désirs et à des idées déjà bien ancrées en elle) est effrayant, donc mauvais. « Leur respect fétichiste pour les traditions est absolu, leur horreur inconsciente de toutes les nouveautés capables de changer leurs conditions réelles d'existence, est tout à fait profonde13. »

     

    Portrait du meneur:

     

     

    Incapable de s'auto-organiser, la foule a besoin d'un meneur (nous parlerions aujourd'hui de leader) pour l'organiser et la faire subsister.

    Le meneur-type est rarement extérieur à la foule. Bien souvent, il en partage les désirs et les idées. Il a d'abord été lui-même « mené », comme n'importe quel autre membre de la foule, avant d'acquérir un rôle de premier plan dans l'organisation sociale de la foule. Le Bon distingue d'emblée deux types de meneurs : les rhéteurs et les apôtres.

     

     

    • Un rhéteur n'est pas entièrement acquis à la cause qu'il prétend défendre. Il peut y croire, mais il défendra aussi ses propres intérêts en même temps. Son influence peut être décisive mais ne sera qu'éphémère.
    • Un « apôtre », lui, est entièrement et intégralement convaincu par l'idée qu'il défend. Il est extrêmement volontaire et croit en ce qu'il dit. Contrairement au rhéteur, il ne cherche pas tant son intérêt personnel (à moins qu'il n'identifie sa propre réussite en tant que meneur à celle de l'idée qu'il défend, comme Napoléon Ier) que le triomphe absolu de son idéal. Prêt à se sacrifier pour son idée, il embrase la foule expectante et peut la mener aux plus grands excès, tant héroïques (comme l'épopée napoléonienne) que cruelle (comme le lynchage d'ennemis communs).

    Les rhéteurs sont très répandus, mais sont aussi vite oubliés une fois que leur influence ne se fait plus sentir. Les « apôtres » sont beaucoup plus rares, ont un poids social beaucoup plus importants et laissent en général un souvenir important dans l'histoire (quoique ce souvenir puisse être vu comme très positif ou très négatif selon les époques, sans que les évènements n'aient changé en eux-mêmes). Comme exemples du second type de meneurs, Le Bon cite LutherSavonaroleRobespierre (qu'il décrit comme « hypnotisé par les idées philosophiques de Rousseau, et employant les procédés de l'inquisition pour les propager »19) ou encore Ferdinand de Lesseps.

    À qui en a besoin, le meneur sert de guide. Celui qui ne sait guère penser par lui-même, ou qui manque de volonté proprement individuelle, se retrouve rapidement sous la coupe d'un meneur. Le meneur n'est pas un « homme de pensée », mais d'action : il sait créer la foi, flatter les désirs et les passions de ceux qui l'écoutent, il est comparable au démagogue déjà critiqué par Platon.

    Les meneurs ont trois moyens d'action : l'affirmation, la répétition et la contagion.

     

     

    • L'affirmation est une proposition simple, imagée, énergique. Elle transmet une forte passion et une puissante énergie. On pourrait en quelque sorte parler de « slogan ». Pour être la plus efficace possible, l'affirmation doit être « pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve... Plus l'affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité. Les livres religieux et les codes de tous les âges ont toujours procédé par simple affirmation20 ».
    • Pour être efficace, il ne suffit pas à l'affirmation de correspondre à ces critères. Elle doit encore être répétée de nombreuses fois, et peu à peu finit par être acceptée comme une vérité. Il se forme alors un « courant d'opinion », on ne sait plus d'où vient l'idée originale et l'on a l'impression que cela a toujours été cru, donc su.
    • Ceci suppose que la croyance, c'est-à-dire autant l'idée (par exemple, « le savon X est plus efficace que le savon Y ») que la façon dont on la considère (en considérant la proposition précédente comme vraie), soit partagée.

    Le meneur qui réussit, par sa réussite même, ou l'idée répandue, acquiert par là un prestige qui lui confère encore plus de puissance et d'admiration. Mais dès que l'idée ou le pouvoir du meneur commence à être discutée, le prestige s'effrite ou se fragilise, la fascination s'évanouit, et si le succès disparaît le prestige disparaît aussi. Seuls quelques personnages historiques, pourvus d'un prestige « personnel » et non seulement acquis par les titres ou la réussite sociale, peuvent aller au-delà d'un tel oubli et survivre dans le souvenir des générations futures21.

     

    Notes et références:

    1.  Vincent Rubio, « Psychologie des foules, de Gustave le Bon. Un savoir d’arrière-plan, Sociétés(no 100) » [archive], sur http://www.cairn.info [archive], février 2008 (consulté le 8 avril 2013).
    2.  Le Bon 1895p. 4
    3. ↑ a et b Le Bon 1895p. 12
    4.  Le Bon 1895p. 153-160
    5.  Le Bon 1895p. 15
    6.  Le Bon 1895p. 171-191
    7.  Le Bon 1895p. 20
    8.  Le Bon en donne un exemple au l. II, chap. II, §4 : « Mes premières observations sur l'art d'impressionner les foules et sur les faibles ressources qu’offrent sur ce point les règles de la logique remontent à l'époque du siège de Paris, le jour où je vis conduire au Louvre, où siégeait alors le gouvernement, le maréchal V..., qu'une foule furieuse prétendait avoir surpris levant le plan des fortifications pour le vendre aux Prussiens. Un membre du gouvernement, G.P..., orateur fort célèbre, sortit pour haranguer la foule qui réclamait l'exécution immédiate du prisonnier. Je m'attendais à ce que l'orateur démontrât l'absurdité de l'accusation, en disant que le maréchal accusé était précisément un des constructeurs de ces fortifications dont le plan se vendait d'ailleurs chez tous les libraires. A ma grande stupéfaction − j'étais fort jeune alors − le discours fut tout autre... “ Justice sera faite, cria l'orateur en s'avançant vers le prisonnier, et une justice impitoyable. Laissez le gouvernement de la défense nationale terminer votre enquête. Nous allons, en attendant, enfermer l'accusé. ” Calmée aussitôt par cette satisfaction apparente, la foule s'écoula, et au bout d'un quart d'heure le maréchal put regagner son domicile. Il eût été infailliblement écharpé si l'orateur eût tenu à la foule en fureur les raisonnements logiques que ma grande jeunesse me faisaient trouver très convaincants. »
    9.  Le Bon 1895p. 28
    10.  Le Bon 1895p. 28-37
    11.  Le Bon 1895p. 38
    12.  Le Bon 1895p. 38-41
    13. ↑ a et b Le Bon 1895p. 41-44
    14.  Le Bon 1895p. 48-53
    15.  « Les raisonnements inférieurs des foules sont, comme les raisonnements élevés, basés sur des associations ; mais les idées associées par les foules n'ont entre elles que des liens apparents d'analogie ou de succession. Elles s'enchaînent comme celles de l'Esquimau qui, sachant par expérience que la glace, corps transparent, fond dans la bouche, en conclut que le verre, corps également transparent, doit fondre aussi dans la bouche ; ou celles du sauvage qui se figure qu'en mangeant le cœur d'un ennemi courageux, il acquiert sa bravoure ; ou encore de l'ouvrier qui, ayant été exploité par un patron, en conclut immédiatement que tous les patrons sont des exploiteurs. » (Le Bon 1895p. 53-55).
    16. ↑ a et b Le Bon 1895p. 55-66
    17.  David Hume, Enquête sur l'entendement humain, chap. 10.
    18.  « Tout ce qui frappe l'imagination des foules se présente sous forme d'une image saisissante et bien nette, dégagée de toute interprétation accessoire, ou n'ayant d'autre accompagnement que quelques faits merveilleux ou mystérieux : une grande victoire, un grand miracle, un grand crime, un grand espoir. Il faut présenter les choses en bloc, et ne jamais en indiquer la genèse. Cent petits crimes ou cent petits accidents ne frapperont pas du tout l'imagination des foules ; tandis qu'un seul grand crime, un seul grand accident les frapperont profondément, même avec des résultats infiniment moins meurtriers que les cent petits accidents réunis... Un accident qui, au lieu de 5 000 personnes, en eût seulement fait périr 500, mais le même jour, sur une place publique, par un accident bien visible, la chute de la tour Eiffel, par exemple, eût au contraire produit sur l'imagination une impression immense. La perte probable d'un transatlantique qu'on supposait, faute de nouvelles, coulé en pleine mer, frappa profondément pendant huit jours l'imagination des foules. Or les statistiques officielles montrent que dans la même année un millier de grands bâtiments se sont perdus. Mais, de ces pertes successives, bien autrement importantes comme destruction de vies et de marchandises qu'eût pu l'être celle du transatlantique eu question, les foules ne se sont pas préoccupées un seul instant. » (Le Bon 1895p. 55-66).
    19.  Le Bon 1895p. 106
    20.  Le Bon 1895p. 112
    21.  « Tout homme qui réussit, toute idée qui s'impose, cessent par ce fait même d'être contestée. La preuve que le succès est une des bases principales du prestige, c'est que ce dernier disparaît presque toujours avec lui. Le héros, que la foule acclamait la veille, est conspué par elle le lendemain si l'insuccès l'a frappé. La réaction sera même d'autant plus vive que le prestige aura été plus grand. La foule considère, alors le héros tombé comme un égal, et se venge de s'être inclinée devant la supériorité qu'elle ne lui reconnaît plus. Lorsque Robespierre faisait couper le cou à ses collègues et à un grand nombre de ses contemporains, il possédait un immense prestige. Lorsqu'un déplacement de quelques voix lui ôta son pouvoir, il perdit immédiatement ce prestige, et la foule le suivit à la guillotine avec autant d'imprécations qu'elle suivait la veille ses victimes. C'est toujours avec fureur que les croyants brisent les statues de leurs anciens dieux. Le prestige enlevé par l'insuccès est perdu brusquement. Il peut s'user aussi par la discussion, mais d'une façon plus lente. Ce procédé est cependant d'un effet très sûr. Le prestige discuté n'est déjà plus du prestige. Les dieux et les hommes qui ont su garder longtemps leur prestige n'ont jamais toléré la discussion. Pour se faire admirer des foules, il faut toujours les tenir à distance. » (Le Bon 1895p. 128).

    Bibliographie:

     

     

     

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