Comme dans un film policier dépressif, à Beauvau, on nous déplie du mauvais polar, un cocktail de Prozac et gros rouge, sur zinc, au bar PMU face la gare, vue sur grisaille : France, 2017. On est au bord de la guerre civile. Des comités citoyens se sont constitués. Les fusils d’assaut sont sortis des caches d’armes. De l’étranger sont financés toutes sortes de groupuscules qui se préparent et l’anarchie gagne. Des mercenaires russophones ont été dépêchés. On tire sur la foule dans les manifestations. Des maisons brûlent. Des familles entières ont fui leur domicile et vivent dans les bois. On règle des comptes dans les fossés. On pend des gens. On en juge d’autres que l’on promène dans des cages. C’est le désordre. Des groupes armés coupent les routes. Des bandes s’affrontent à l’arme automatique. On lynche sur les avenues. On pille dans les beaux quartiers. Les commissariats ont fermé boutique, les fonctionnaires de police ont foutu le camp. L’armée française, comme le pays, est découpée en factions.
En France, sous vos yeux, se répète en ce moment le scénario de la Yougoslavie et de la Libye. À Beauvau, on analyse les renseignements qui remontent du terrain. L’Occitanie organise sa sécession, encouragée par les services secrets espagnols. La Bretagne lève des fonds anglo-saxons pour creuser un canal de Nantes au Mont-Saint-Michel qui l’isolera enfin. La Provence est devenue un monde à part. De riches anonymes rachètent les forteresses des Alpes et préparent le ralliement à la Confédération suisse. Les Corses sont déjà indépendants et battent monnaie. Lille prépare son mariage avec Bruxelles. L’Alsace-Lorraine, par référendum, va choisir de rejoindre l’Allemagne. Quant à Paris, c’est la ville la plus criminelle au monde. Le ministère de l’Intérieur s’adressera dans les jours qui viennent, une requête inédite au conseil de sécurité de l’ONU pour se voir accorder un mandat de maintien de la paix, avec déploiement d’une force de casques bleus déployée dès 2018, pour assurer le bon déroulement des élections présidentielles.
Messieurs les analystes qui ont inspiré cette déclaration oiseuse, allez faire un stage découverte dans un pays au bord de la guerre civile : l’Ukraine ou la République centrafricaine.
La vrai constat que l’on devrait faire place Beauvau, c’est celui du civisme des Français qui ne se sont pas encore révoltés contre un État confiscatoire et inefficace, qui abandonne ses pouvoirs régaliens, étouffe leur économie, tue le débat pour imposer ses éléments de langage et de pensée comme une idéologie obsessionnelle, à coups de clientélisme, de subventions et autres prébendes généreusement pompées sur leurs salaires, leurs revenus, leur patrimoine.
Si la France est en paix, ce n’est pas parce qu’il y a trois fois plus de policiers armés qu’il y a un siècle. Si la France est toujours en paix, c’est parce que les Français le veulent bien.
On n’oserait écrire, dans ces colonnes, qu’un grand directeur de service fasse ce genre de déclarations pour se conformer à l’agenda d’un cabinet noir, qui nous préparerait le démantèlement d’un bon gros complot dans une habile mise en scène avec logo, façon grosse prise de drogue, avec rafles, organigramme, photos à l’appui, tout cela dans la dernière ligne droite avant mai 2017 ?
Personne ne se permettrait de penser que, en France, la relation entre le pouvoir et la police serait si consanguine qu’elle en deviendrait incestueuse, manipulatrice. Que la police ne protégerait plus que le pouvoir, et rien d’autre. Que si guerre civile il y avait, elle aurait été voulue, comme un écran de fumée pour protéger les profiteurs.
Car le vrai risque, pour certains, ce n’est pas une guerre civile, mais une révolution.