Écrivain et philosophe
 
 
 
 
 

Après le Brexit, l’avenir est bien sombre pour l’Union européenne. Ce qui a été fait sans mandat clair des peuples ne tiendra pas devant la révolte citoyenne qui s’annonce. Car c’est une utopie que de prétendre construire l’Europe contre sa tradition de liberté. Et la liberté des peuples n’est pas simplement la liberté d’élites qui déclarent froidement incarner, par définition, la démocratie, au besoin contre le peuple. Or, c’est là, clairement, ce qui est en train d’advenir.

 

 

L’Europe politique, c’est la construction d’un super-État européen qui annule progressivement les souverainetés nationales, avec une bureaucratie, un Parlement, des cours de justice, un pouvoir réglementaire allant bien au-delà de la nécessaire réglementation de la monnaie commune. La révolte des peuples contre cette Europe politique doit devenir un des scenarii majeurs de tout parti politique.

 

 

 

On doit envisager, maintenant, un possible désastre de la construction européenne. « Extrémisme » n’est pas, pour nous, un slogan, mais un concept. Nous concevons, en effet, sans difficulté des réactions à l’universalisme abstrait de l’Europe amnésique et sans identité, sous forme de particularismes arbitraires et fermés, réactivant les logiques d’avant 1914.

 

 

 

Les partis et les responsables politiques qui ont souci du bien commun doivent à tout prix sortir de deux dénis symétriques : le déni conservateur de l’Union européenne, aussi bien que le déni des risques de l’extrémisme révolutionnaire. Il faut absolument entrer dans une logique réaliste. Les anciens partisans de l’Union politique doivent prendre acte de sa dissolution de fait, car dès qu’on sort des beaux quartiers et des plateaux télé, elle n’existe plus que contre la démocratie et toute la tradition européenne de liberté. Des catastrophes internationales redeviennent possibles si seuls les partis extrémistes sont pour la démocratie, la souveraineté nationale et la consultation populaire, alors que les partis modérés seraient perçus comme voulant dissoudre les nations dans une construction bureaucratique, inefficace et injuste.

 

 

 

Il faut souhaiter que les pouvoirs comprennent que l’Europe politique est perdue, et qu’ils sauront la sacrifier au profit de l’Europe économique, idée initiale. L’Europe se recentrerait alors sur les domaines où elle est pleinement légitime : 1) l’union douanière pour les échanges intra-européens ; 2) une politique d’investissement dans l’industrie et les infrastructures européennes ; 3) la coopération des nations sur certains points clés pour bénéficier de la taille des marchés européens.

 

 

 

Un tel recentrage serait, bien entendu, un changement considérable, mais cela permettrait à des dirigeants modérés de préempter un mouvement probablement inévitable, ainsi que de démontrer aux peuples qu’ils ont compris les raisons du rejet de l’Europe et qu’ils recentrent le projet européen sur le service des peuples et le développement économique. Sans un tel repli stratégique, c’est toute l’idée de construction européenne qui est condamnée, sauf fuite en avant (heureusement improbable) dans le despotisme dur. Et ceux qui bénéficieront du déni seront des extrémistes.