Chantre de l’enracinement:
D’abord romancier, Maurice Barrès (1862 – 1923) découvre le nationalisme par la littérature : la « recherche du moi » le conduit à replacer l’individu dans l’ensemble de ses traditions, de ses origines ancestrales, de son cadre naturel : tout ce qui constitue sa nation, et qui lui donne toute sa personnalité.
Les « déracinés » (tel est le titre de l’un de ses romans) sont précisément ces hommes qui ont voulu « s’affranchir » de ces liens naturels et nécessaires, et perdent ainsi le meilleur d’eux-mêmes.
Pour Barrès, le nationalisme est d’abord un déterminisme : « Un nationaliste, c’est un Français qui a pris conscience de sa formation. Nationalisme est acceptation d’un déterminisme. » L’importance de cette « formation » d’un individu par ses ancêtres est prépondérante pour celui-ci : « toute la suite des descendants ne fait qu’un seul être » (Scènes et Doctrines du Nationalisme).
La doctrine du nationalisme ne peut être un système abstrait, mais d’abord un retour au réel :
« Nulle conception de la France ne peut prévaloir, dans nos décisions, contre la France de chair et d’os. »
Et il ajoute :
Pour nous faire accepter cette vue raisonnable, réaliste de la Patrie, il faut développer des façons de sentir qui existent naturellement dans le pays. On ne fait pas l’union sur des idées, tant qu’elles demeurent des raisonnements, il faut qu’elles soient doublées de leur force sentimentale. A la racine de tout, il y a un état de sensibilité. (Scènes et doctrines du nationalisme).
Lorrain, c’est par attachement sensible à sa province que Barrés a parcouru le chemin qui mène au nationalisme, et il écrit :
Constatez que vous êtes faits pour sentir en Lorrains, en Alsaciens,en Bretons… (Scènes et doctrines du nationalisme).
Et littérateur, il trouve cette image extrêmement forte pour résumer le nationalisme : « la Terre et les Morts », — c’est-à-dire la terre du pays où nous sommes attachés, enracinés, et les morts, les ancêtres qui nous ont précédés, qui nous ont fait ce que nous sommes : le sang et le sol, telles sont les deux bases du nationalisme.
Notons enfin, qu’après Drumont (qui, le premier, en 1892, employa le terme « socialisme national »), Barrès éprouve le souci constant « d’insister sur l’union de l’idée socialiste et de l’idée nationaliste » ; peut-être y a-t-il beaucoup d’imprécision dans la façon dont Barrès exprime cette préoccupation, mais il vaut qu’on la remarque, car il s’y est souvent arrêté.
On doit regretter que Barrès soit par ailleurs demeuré républicain, qu’il se soit contenté d’un « retour aux sources » sans rechercher, à partir des bases saines qui sont les siennes, une solution politique plus adéquate. Mais son apport à la doctrine nationaliste : déterminisme de l’hérédité, retour au réel, et compréhension de ces réalités primordiales que sont « la Terre et les Morts » mieux par sensibilité que par raisonnement, est de la plus haute importance. Il serait injuste de l’oublier.
Source : Les maîtres du nationalisme,:
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