Colonel à la retraite
 
 

 

 

 

 

 

Après les manifestations de Charlottesville en Virginie, le souvenir de la guerre de Sécession (1861-1865) est quelque peu remonté à la surface. Un souvenir très vague pour nous, Français, il faut bien le reconnaître, et qui se résume peut-être au délicieux « Taratata » de Scarlett O’Hara dans le film Autant en emporte le vent. Le minimum étant de savoir distinguer les tuniques bleues des tuniques grises et de se convaincre, évidemment, selon l’hagiographie officielle, que cette guerre fut le combat des gentils abolitionnistes nordistes contre les méchants esclavagistes sudistes.

 

 

 

Finalement, pour nous, Français, cette guerre de Sécession, c’est loin : dans le temps et dans l’espace. Nous a-t-elle d’ailleurs concernés ? Un peu quand même. Certes, Napoléon III s’en tint à une neutralité officielle, même si, semble-t-il, sa sympathie allait plutôt à Dixieland. On lui prête même cette phrase qui résume cette neutralité : « Si le Nord est victorieux, j’en serai heureux mais si c’est le Sud qui l’emporte, j’en serai enchanté. »

 

 

 

Une guerre qui ne fut pourtant pas sans conséquences économiques pour la France, car elle entraîna une explosion du prix du coton brut à cause du blocus de l’Union sur les ports du Sud, ce dont nos industries textiles du Nord eurent à souffrir. Derrière les beaux principes sur l’abolitionnisme, le Nord défendait le protectionnisme, le Sud, lui, le libre-échange…

 

 

 

Une guerre qui fit tonner ses canons à proximité des côtes françaises. Ainsi, le 11 juin 1864, au large de Cherbourg mais hors de nos eaux territoriales, la corvette nordiste USS Kearsarge et le croiseur sudiste Alabama, un navire corsaire redouté, s’affrontèrent dans une bataille où le bateau nordiste prit vite le dessus. L’Alabama fut coulé. 29 membres de son équipage périrent et furent enterrés au cimetière de Cherbourg.

 

 

 

Une guerre dans laquelle s’engagèrent des Français dans les deux camps (plus nombreux, cependant, du côté confédérés).

 

 

 

Tout d’abord, les « French born », ces colons français, principalement de Louisiane, souvent originaires de Saint-Domingue que leurs parents et grands-parents avaient dû fuir lors de l’abolition de l’esclavage. Le souvenir des massacres des colons blancs (on parle de 2.000 colons massacrés en quelques jours), lors de la révolte du 22 août 1791, était resté vivace. Mais on pourrait aussi évoquer les descendants des Acadiens, chassés par les Anglais au XVIIIe siècle. Les volontaires se constituèrent en milices : citons la « French Brigade », composée de Français de la Nouvelle-Orléans.

 

 

 

Une guerre, enfin, dans laquelle des Français de France décidèrent de prendre part, d’un côté comme de l’autre, et ce, souvent, dans le même esprit de fidélité à l’amitié franco-américaine née durant la guerre pour l’indépendance de la jeune république américaine, quatre-vingts ans plus tôt.

 

 

 

C’est ainsi que le prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe, et ses neveux, le duc de Chartres et le comte de Paris, s’engagèrent dans les troupes de l’Union, désireux de participer à la « bagarre ». Ils serviront comme officiers d’état-major dans l’armée du Potomac.

 

 

 

Du côté sudiste, ne citons qu’un nom : le prince Camille de Polignac, fils de l’ancien Premier ministre de Charles X. Il commande une brigade à la bataille de Mansfield le 8 avril 1864 et prend une part déterminante dans cette victoire des troupes confédérées. Durant la guerre de 1870, il commandera une division. Il mourut en 1913, âgé de 81 ans, dernier major général (général de division) de l’armée confédérée encore en vie. Il est surnommé le « La Fayette du Sud ». Encore une statue à déboulonner, si elle existe…

 

 

 

 

En tout cas, cette « Civil War » a sans doute marqué la fin de la présence française en tant que population et culture à part entière, et le début de l’« américanisation » des Français d’Amérique. On lira, à ce sujet, le très récent et intéressant ouvrage de Farid Ameur : Les Français dans la guerre de Sécession : 1861-1865.