Élisabeth Roudinesco, dans un livre au titre explicite, La part cachée de nous-mêmes, une histoire des pervers, a montré dans un remarquable chapitre qu’une société entière peut se pervertir, et c’est l’histoire de la société nazie qui lui permet démonstration. Tout, dans la société du Reich, semble organisé selon des règles possédant une morale, sauf que tous les fondements moraux de ladite société sont intrinsèquement pervers. Le délire collectif n’en est pas moins pathologique, comme le démontre la psychanalyste dans son livre.
Dans la France de 2018, des « artistes » peuvent soutenir des Médine ou des Redoine Faïd – référence à l’ignoble message posté par Béatrice Dalle. Dans cette France, l’on peut se dire végétarien intégral, voire intégriste, mais refuser d’accabler l’abattage halal dans un très paradoxal souci de justice, l’on peut repeindre la statue d’une héroïne nationale en prétendant à la liberté d’expression, l’on peut laper dans une écuelle, tenu en laisse par ses maîtres, défiler sur un char des fiertés homosexuelles en plein espace public (espace, par ailleurs, dévolu aux prières du nouveau monothéisme français). L’on peut aussi caillasser les représentants de l’État ou s’approprier des terres à l’envi. L’on peut écouter des paroles de haine éructées par des « chanteurs » à l’encontre des fils et filles des fondateurs du pays – comprendre : les bâtards de souchiens. L’on peut encore détruire impunément des commerces à coups de battes et railler, la bave aux lèvres, toute indignation face à cette litanie d’actes amoraux ou immoraux.
Dans cette image de France inversée, il n’est pas illogique mais de bon ton, lors de fêtes élyséennes, qu’un groupe « de fils d’immigrés noirs et pédés » (selon la terminologie employée par les membres du groupe, qui ne semble pas mesurer le sens des mots) soit convié à se trémousser dans une ambiance caligulesque autour de la personne du président de la République. À ce propos, quel spectateur français d’origine africaine peut-il observer un tel spectacle étatique sans effarement, car c’est se moquer d’eux par le piétinement de leur identité souvent conservatrice.
C’est le modèle France antifa, Antifrance, donc. Une société veule où le non-dit est à chaque coin de rue, l’émotion imbécile sous chaque pavé, l’extase délirante derrière chaque panneau publicitaire. Une France dans laquelle le natif indigène semble désigné à raquer sans rechigner puis à mourir dans l’oubli, comme Aurélie Fouquet, tombée en service sous les balles de Faïd.
Une société se reniant à ce point est parfaitement perverse par le retournement méthodique et malicieux de toutes ses valeurs, l’une après l’autre, avec pour effet extraordinaire ce que nous découvrons, béats : la marge, sans préjudice de son contenu, est devenue le seul droit reconnu.
À l’inculte la culture, au novice la maîtrise, au nuisible la liberté.
À l’instar de la société nazie, une telle société est mue par la pulsion de mort. En cotillons et falbalas, certes, bougies et cœurs en bandoulière, certes, bigarrée façon United Colors of Benetton, bien entendu. Société au corps fractionné, meurtri, asservi, zone sans frontières discernables dans laquelle des masochistes s’offrent à des sadiques en mimant la joie.
Soyons, cependant, optimistes : l’inversement des règles de société est une impasse dont le mur finit toujours par se morceler sous le poids des conséquences induites. La purge est, certes longue, pénible et douloureuse, c’est un clystère. La cure touche cependant à son terme, la libération des corps approche. Les totalitarismes de la pensée ne survivent jamais, l’Histoire l’a démontré. Le point Godwin n’est pas où le système l’a astucieusement placé, en périphérie de lui-même, il est le système dans ses parts obscures. « Nauséabond », ce vocable usité à l’envi pour désigner toute pensée contraire, fonctionne selon l’inversion accusatoire. Purge est lavement, du classique en littérature. Vivement car, en effet, cela devient irrespirable
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