Pour ne pas faire durer le suspense, ces solistes bien solitaires sont : May, Merkel, Macron et Juncker. Quant au dénouement du Titanic… En effet, le destin de ces quatre acteurs politiques semble compromis à court ou moyen terme.
L’idéologue Barnier et la grisâtre May ont, certes, fini par élucubrer un « accord » pour gérer les conséquences du vote souverain du peuple britannique décidé à sortir de l’usine à gaz bruxelloise (UAGB). Et, ce dimanche 25 novembre, les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne, réunis à Bruxelles, ont célébré, comme si c’était un succès, un ectoplasme de traité de sortie pour acter l’accord de la séparation avec le Royaume-Uni. Tout est célébré comme si l’affaire était finie, comme si les Commons allaient accepter de voter cet accord, comme si la France des giratoires tournait, comme si l’Italie de la dette obéissait aux injonctions de l’UAGB, comme si Merkel était politiquement immortelle, comme si l’Espagne n’avait pas échafaudé un projet de budget ressemblant à celui de l’Italie mais peint en rose socialiste. Comme si Trump n’avait pas entrepris de détruire l’OMC. Comme si la dette mondiale ne s’était pas gonflée à 237.000 milliards de dollars.
Certes, Emmanuel Macron a affirmé, dimanche matin, qu’il faudrait « refonder l’Europe », mais sans dire ni en quoi ni comment. Certes, il a dit qu’il fallait « apporter une réponse économique, sociale, mais aussi culturelle et de sens » (sic) à « nos » (sic) « classes moyennes et à nos classes laborieuses », afin de « bâtir un projet politique », au lendemain de la mobilisation des gilets jaunes. Mais sans dire comment. « Il n’y a pas de projet de société et il n’y a pas de projet politique – au niveau national et européen – si nous n’apportons pas une réponse claire à nos classes moyennes et à nos classes laborieuses. ». Mais ce n’est plus Jupiter qui tonne, c’est la Pythie qui émet des suites de mots.
Voire pire : un déni et même un mépris, car Emmanuel Macron a opposé, en des phrases de plus en plus alambiquées mais dont l’intention demeure très inquiétante, la genèse du Brexit et le vaste rejet dont il est, en tant que Président, l’objet par la France qui souffre de sa politique folle : « Le Brexit a dit beaucoup des divisions, des positions très différentes entre la City et le reste du Royaume-Uni, entre les jeunes et les plus âgés » (sous entendu : entre les bons dans mon genre, les premiers de cordée, et « ceux qui ne sont rien », « les illettrés »…). « Ce que cela montre, c’est que dans toutes nos démocraties, il est clair que notre devoir est de réussir à redonner aux classes populaires et aux classes moyennes des perspectives, une capacité à construire le progrès. » Mais sans dire ni comment ni de quel progrès il s’agit. Mots creux et phrases sans queue ni tête.
Pour rester sur le seul sujet du Brexit, il est bien peu probable que l’accord de ce jour soit ratifié en décembre par les Commons, où le rejet de Mme May est très majoritaire, y compris dans son propre parti. Inspirée, sans doute, par la même muse qu’Emmanuel Macron, Theresa May y est allé de sa platitude et a promis aux Britanniques un « avenir meilleur ». Et là, c’est bien possible, puisque cet avenir se fera… sans elle.
En conclusion, il est probable que le 29 mars 2019, supposée date butoir pour la mise en œuvre effective du Brexit, l’Europe et le Royaume-Uni seront déjà retombés dans un no man’s land politique et juridique. Il faudra, alors, en revenir à la situation antérieure au traité de Maastricht, et que les voisins et partenaires de l’Angleterre (au premier rang desquels la France) enclenchent d’urgence des négociations bilatérales sur les questions essentielles et concrètes de la circulation des personnes, la pêche, la législation sur les produits, la défense.
Entre-temps, la bulle financière aura-t-elle éclaté, et l’Italie aura-t-elle fait sécession, elle aussi ?