Journaliste, écrivain
 
 
 
 
 
 

 Nous allons fêté le demi-siècle de Mai 68. À en croire l’actualité immédiate, d’Harvey Weinstein en Gilbert Rozon, on ne dirait pas.

 

 

 

 

Car dans ces folles journées de printemps, tout n’était peut-être pas à jeter. Les graffitis étaient parfois rigolos, Guy Debord venait de sortir son essai prophétique, La Société du spectacle, les situationnistes tenaient un peu le haut du pavé, lequel allait bientôt voler bas. Et la musique était bonne. Même les anciens d’Occident et de l’OAS en conviennent : il soufflait alors un petit vent de liberté sur la France de Tante Yvonne. Et on avait aussi cru comprendre qu’il était interdit d’interdire, qu’il fallait surtout jouir sans entraves.

 

 

 

 

 

D’ailleurs, dixit Daniel Cohn-Bendit, la première revendication des étudiants consistait à pouvoir aller et venir à leur guise dans le dortoir des filles. Cinquante ans après, nous en sommes loin. Ceux qui prônaient naguère la libération sexuelle, quand ce n’était tout simplement pas la grande partouze, ont enfanté un monde encore plus puritain que jamais.

 

 

 

 

 

 

Pis : les provocateurs d’hier sont devenus anarchistes d’État. La parenthèse libertaire des quelque deux décennies ayant suivi les événements de mai s’est bel et bien refermée. Il n’est plus un film de cette époque qu’il serait aujourd’hui possible de tourner, des Valseuses au Père Noël est une ordure, en passant par La Cage aux folles et La Grande Bouffe. Idem pour l’humour. Seuls résistent encore Dieudonné et Gaspard Proust. Le sort du premier a été réglé au tribunal médiatique. Le second finira tôt ou tard par connaître quelques pépins avec la police de la pensée ou de l’arrière-pensée.

 

 

 

 

 

Quant aux dernières transgressions autorisées, Femen et Vagin de la reine, Jan Fabre et Plug anal, c’est par Le Monde et Téléramaqu’elles sont haut et fort défendues. Un canard de culs serrés et un torchon de curés de gauche ; bref, tout ce que les soixante-huitards vomissaient. Quant à Libération, c’est pire encore. Le quotidien fondé par le maoïste Serge July qui épouse la cause impérialiste américaine pour finir par se faire racheter par les Rothschild, puis un exploiteur capitaliste. Le regretté Pierre Desproges nous a quittés avant d’assister à un tel retournement. Heureusement pour lui, il en serait mort de rire avant l’heure.

 

 

 

 

 

 

Le gag qui risque d’atteindre des records dans le funèbre, ce sera évidemment les grandes commémorations du bizutage estudiantin en question. Eux qui raillaient celles de la Grande Guerre, ils fêteront bientôt leur petit Verdun de la rue Gay-Lussac. Ils tenaient le général de Gaulle pour un nazi et les CRS pour des SS, ils se prennent désormais pour des maquisards pour avoir fait reculer l’hitlérisme en votant Chirac contre Le Pen.

 

 

 

 

Ce sont les nouveaux cléricaux. Qui ne vont pas tarder à exiger – qui ont d’ailleurs déjà exigé – qu’un Jean Lassalle passe à confesse pour une mains aux fesses. Cette gauche que notre chère pétroleuse Élisabeth Lévy qualifie si bien « d’olfactive », gauche qui flaire des relents rances et nauséabonds à tout propos, sent actuellement de moins en moins bon. Odeurs de rosières mal lavées et de grenouilles de bénitiers, de bigoterie poussiéreuse et de chaussettes d’éternels adolescents. Écrasons l’infâme !