Ecrivain, journaliste
 
 
 
 
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Comment endiguer la montée de l’extrême droite ? Telle est la question angoissante, lancinante, inextricable qui vient et revient, comme la marée, dans tous les débats politiques de la grande presse française, et maintenant européenne. On se gratte le menton, on conjecture, on échafaude : jouer de la flûte traversière, sauter à l’élastique, mimer « le papa pingouin » ? Et simultanément, même, si cela pouvait fonctionner.

 

 

Parfois, pourtant, il s’agit moins de faire que de ne pas faire.

 

 

Ne pas faire, par exemple, comme Michel Veron, envoyé spécial de MyTF1News.fr, lit-on, au Rendez-vous de Béziers. Il a flairé les tables rondes et, heureux comme un chien truffier, a rapporté triomphalement, au petit trot, la « théorie complotiste du Grand Remplacement » dont il s’est employé, dans un morceau de bravoure, à démontrer l’inanité, avec cette conclusion : « Moins de 250.000 personnes viennent en France chaque année (ce chiffre diminue d’ailleurs d’année en année) (sic). Une partie significative d’entre eux étant des étudiants, beaucoup ne restent que quelques années en France (resic). On est donc loin du prétendu raz-de-marée que laissent entendre Renaud Camus et ses partisans. »

 

 

On ne peut m’accuser d’être une groupie exaltée de toutes les thèses de Renaud Camus. Son malthusianisme revendiqué (je l’ai souvent dit ici) me semblant être, pour notre pays, l’ultime défaite, la mise au tombeau consentie : si la famille n’a pas d’héritier, la maison est vendue. Ainsi va la vie.

 

 

Mais tout cela commence à bien faire, non ? Qu’a donc fait le pauvre mot « remplacement » pour être précipité dans la géhenne de feu du dictionnaire ?

 

 

Les Français prennent le métro, se promènent dans la rue, fréquentent les hôpitaux, emmènent leurs enfants à l’école, font leurs courses dans des grandes surfaces, et tutti quanti. Ils ont des yeux pour voir, en lesquels ils n’ont pas de raison de douter, et qui leur semblent même, à dire vrai, plus fiables que les analyses statistiques laborieuses de monsieur Veron. La population de notre pays a changé, c’est un fait, et dans des proportions telles que l’on utilisera plus volontiers, pour en parler, l’adjectif « grand » que « négligeable », « anecdotique » ou « infinitésimal ».

Le dire ne signifie pas d’ailleurs qu’on le déplore — certains peuvent s’en réjouir, ou n’en avoir strictement rien à cirer —, ni que l’on soupçonne un Docteur No à petites lunettes métalliques et gros rire sardonique de tirer les ficelles d’un obscur « complot ». C’est un constat – pas un jugement de valeur – que chacun fait par-devers soi. Évidemment. Or, qui nie l’évidence n’inspire pas franchement confiance. Si, lorsque je constate qu’il pleut, ma voisine de palier me regarde d’un sale œil et crie au complot dans toute la cage d’escalier, on me permettra de ne pas voter pour elle au conseil de quartier, et de lui préférer le bonhomme du dessus qui évite de m’engueuler quand je lui dis une vérité. D’où ce conseil bienveillant à l’attention de Michel Veron : veut-il rester l’idiot utile de « l’extrême droite », comme il dit ? Qu’il continue ainsi.