D’aucuns diront que des politiciens se font une clientèle en prenant la défense de la ruralité. Force est de constater, quelles que soient leurs arrière-pensées, que les campagnes sont le plus souvent abandonnées à leur sort. Des petits agriculteurs, qui vivotent plus qu’ils ne vivent, les pouvoirs publics ne se soucient que le temps d’un salon. De même, les écoles de villages, qui perdent leurs classes les unes après les autres, ou disparaissent, officiellement pour manque d’effectifs.
On vient, ainsi, d’apprendre que 200 à 300 classes seront fermées, à la rentrée prochaine, dans les zones rurales. Pour permettre le dédoublement des classes en réseau prioritaire, c’est-à-dire, le plus souvent, en ville. Comment faire autrement quand, pour des raisons budgétaires, on recrute moins de professeurs des écoles en 2018 qu’en 2017 (12.490 contre 13.001) ? Et comme les besoins augmentent, on « redéploye », comme on dit dans le jargon ministériel : bref, on déshabille Pierre pour habiller Paul.
À défaut d’une classe par niveau, les villages les plus chanceux auront deux niveaux par classe, ou trois, voire une classe unique. Ce n’est pas forcément rédhibitoire, si le maître est formé pour cet enseignement et si les élèves ne sont pas trop nombreux : certains peuvent même en tirer profit. Si l’école entière disparaît, pas d’autre solution que d’aller plus loin, dans l’école voisine.
Le ministère, qui, par sa taille, est devenu un monstre technocratique, aussi sensible qu’un galet, explique que, si l’on tenait compte des effectifs, ce sont 1.200 classes, au moins, qui fermeraient en zone rurale ! De quoi vous plaignez-vous ? Vous êtes favorisés, vous qui vivez à la campagne ! Ce n’est pas l’avis de la majorité d’entre eux, qui se sentent délaissés. Il est vrai qu’ils pèsent moins, électoralement, que les citadins. Pire : beaucoup voteraient pour le Front national !
Ce n’est pas seulement à l’école primaire que cette discrimination s’opère, mais aussi au collège et au lycée. À nous les longues balades en autobus, à nous les joies du ramassage scolaire, les levers matinaux, les rentrées tardives ! Sous les pavés, la plage, criaient les jeunes soixante-huitards, aujourd’hui boboïsés, mais on n’a pas trouvé le moyen de transformer la campagne en ville – sinon en la détruisant.
L’imagination n’est plus au pouvoir, le bon sens lui-même a quitté la place. Pourquoi a-t-on, dans le passé, supprimé les nombreux internats qui rapprochaient les enfants de leur établissement scolaire ? Ne cherchez pas : pour faire des économies. On manque déjà de surveillants : s’il fallait, en plus, créer des postes de maîtres d’internat, de responsables d’études ! Pourtant, on aurait pu mener de belles expériences, pédagogiquement efficaces !
Et les internats d’excellence, promus par Nicolas Sarkozy et le recteur de l’académie de Créteil, un certain Jean-Michel Blanquer : n’auraient-ils pas mérité d’être multipliés ? Mais les idéologues de gauche les dénonçaient comme élitistes et inégalitaires. Emmanuel Macron, en novembre 2017, a bien évoqué leur retour : « Nous allons multiplier les internats d’excellence dans les zones les plus rurales, où les déplacements sont un problème, dans les zones les plus urbaines, où rentrer à la maison parfois menace la capacité à réussir », a-t-il déclaré, le 14 novembre à Roubaix. Mais on attend toujours. Quand les poules auront des dents.
L’égalité parfaite ne peut exister entre la ville et la campagne. Ce n’est, d’ailleurs, pas souhaitable, quand on voit ce que sont devenus certains établissements urbains. Encore faudrait-il tenir compte des spécificités de la vie rurale pour donner à tous les Français un accès équitable au savoir.