16/02/2021
Le Capitole : symbole de la magouille et de la corruption:
Source Breizh-info.com
Quelle a été votre réaction face à l’invasion du Capitole par des manifestants pro-Trump ?
Alain de Benoist : Une surprise amusée. Elle s’est transformée en franche hilarité lorsque j’ai vu tout ce que la scène publique compte de représentants de l’idéologie dominante se déclarer, comme des vierges effarouchées, horrifiés de la « profanation » de ce « symbole sacré de la démocratie ». S’il faut voir dans le Capitole un « symbole », ce serait plutôt celui de la magouille et de la corruption. Je sais bien que les Etats-Unis se sont de tous temps présentés comme les vaillants défenseurs de la démocratie et de la liberté, mais franchement, qui peut encore sérieusement croire que ce pays est une démocratie, alors qu’il est dirigé par la plus malfaisante des oligarchies financières ? Les manifestants qui ont envahi le Capitole le savaient bien : leur geste n’était pas dirigé contre la démocratie, mais témoignait au contraire de leur désir de la voir enfin respectée dans ce qu’elle a de plus essentiel : la souveraineté populaire.
C’est d’ailleurs pour cela que certains étaient déguisés en « sauvages » : les Européens l’ont oublié, mais lors de la célèbre Boston Tea Party de décembre 1773, événement marquant qui précédé la guerre d’indépendance américaine, les rebelles s’étaient eux aussi déguisés en Indiens (de la tribu des Agniers).
En France, la presse mainstream a unanimement salué la victoire de Biden et dénoncé la « tentative de coup d’Etat » de Donald Trump. Que faut-il en conclure ?
Alain de Benoist : Que les mots n’ont plus de sens aujourd’hui, parce que ceux qui les emploient sont incultes. Parler de « coup d’Etat » est absolument grotesque. Un coup d’Etat implique un plan préparé, une tactique, des consignes, des mots d’ordre. Rien de tout cela ici. Ce n’est pas à un remake de l’incendie du Reichstag, de la marche sur Rome ou de la prise du Palais d’hiver que l’on a assisté, mais seulement un mouvement de foule spontané qui n’a duré que quelques heures, et que l’on pourrait très bien comparer à la tentative des Gilets jaunes de se rendre à l’Elysée (où l’on avait prévu l’exfiltration de Macron !) il y a quelques mois.
Ce qui est intéressant, en revanche, c’est que la vaste majorité des électeurs de Trump ont approuvé ce mouvement de colère, ce qui en dit long sur la profondeur de la fracture qui divise désormais les Américains. Cette fracture n’est pas près de se résorber. Le sénile Joe Binden l’a finalement emporté, mais le fait important est qu’en 2020, Trump a recueilli 12 milllions de suffrages supplémentaires par rapport à 2016 : 74 milllions de voix contre 62 milllions quatre ans plus tôt. Cela montre, même si le parti démocrate – qui n’est plus aujourd’hui le parti des travailleurs, mais celui des minorités – se retrouve en position de force au Congrès, que le phénomène trumpiste est toujours là.
La vague de répression et de censure qui s’est opérée depuis (réseaux sociaux, comptes supprimés ou bloqués) doit-elle nous inquiéter ?
Alain de Benoist : J’y vois surtout une confirmation. On peut bien sûr trouver cette censure scandaleuse, et elle l’est assurément. Mais il y a de l’ingénuité dans cette réaction. S’il y a un enseignement à tirer du spectacle de la répression orchestrée par les GAFA, c’est bien qu’elle révèle la naïveté de tous ceux qui, depuis des années, célèbrent les réseaux sociaux comme des « espaces de liberté ». Malgré ses avantages, Internet n’est pas un espace de liberté, mais un espace de flicage, d’ordures verbales et de tout à l’égo. Je trouve désolant que tant de gens se livrent eux-mêmes à l’autoflicage en racontant leur vie sur les réseaux sociaux. Au lieu de se plaindre, qu’ils les quittent ! J’ai choisi pour ma part, depuis le début, de ne jamais m’exprimer sur les réseaux sociaux. Je m’en félicite tous les jours. Donald Trump, qui n’était pas un homme d’Etat, a cru aux réseaux sociaux. Il a vécu de Tweeter, Tweeter l’a tué.
Vous avez souvent, dans vos écrits, mis en garde les Européens contre une trop grande préoccupation, en négatif comme en positif, vis-à-vis des Américains. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Alain de Benoist : Cela fait des décennies en effet que je répète que les Européens doivent se sentir solidaires de la puissance continentale de la Terre, et non de la puissance maritime de la Mer. En clair, qu’ils doivent se tourner vers l’Est et non vers l’Ouest, vers les pays du soleil levant et non vers ceux du Couchant. Je ne suis certes pas le seul à l’avoir dit, mais le tropisme « atlantiste » reste puissant. Il me semble néanmoins que les choses pourraient évoluer dans les années qui viennent. La période de transition dans laquelle nous vivons est aussi celle d’un effacement progressif du monde unipolaire ou bipolaire du temps de la guerre froide. Lors de son investiture, entre la Bible et Lady Gaga, dans une capitale fédérale en état de siège, gardée par plus de soldats qu’il n’y en a aujourd’hui en Syrie, en Irak et en Afghanistan, Joe Biden n’a pas manqué de réaffirmer la volonté de l’Amérique de « mener le monde ». Elle en aura de moins en moins les moyens. Plus personne ne croit que les Etats-Unis sont encore la « nation indispensable », et que leur présence nous dispense de chercher par nos propres moyens à devenir une puissance autonome.
Depuis 1945, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de mener des campagnes d’influence idéologiques, en Europe notamment. Comment les Européens peuvent-ils s’en prémunir, alors que de Macdonald à Netflix, tout est fait aujourd’hui pour conditionner la jeunesse ?
Alain de Benoist :Il n’y a évidemment pas de recette magique. Les Américains continueront à récolter les bénéfices de leur « soft power » aussi longtemps que les Européens n’opposeront à ce dernier aucune alternative crédible. Mais il faut aussi compter avec l’évolution de l’image de l’Amérique. Les Etats-Unis se sont toujours flattés d’être un free country, un pays libre. Aujourd’hui, on voit de plus en plus clairement qu’ils répandent dans le monde la guerre civile et le chaos, et qu’ils exportent vers nos sociétés des formes nouvelles de censure, des comportements d’un néo-puritanisme hystérique, des nouveaux interdits, des débats sur le sexe, le « genre » et les « races » qui ne correspondent pas à notre culture, toutes choses qui ne séduisent vraiment que le milieu LGBT et les adeptes de la « cancel culture », qui sont parfois aussi des stipendiés. Je peux évidemment me tromper, mais j’ai l’impression que l’attirance qu’a pu susciter l’Amérique va progressivement se tarir.
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10:38 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
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