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Un titre : « Au Sénégal, la polygamie ne rebute plus les femmes instruites. » Un chapeau : « La pratique, combattue autrefois par les féministes, attire une nouvelle génération de femmes. Par choix, mais aussi du fait de la pression sociale. »

 

 

Voilà, en résumé, tout ce que ne dit pas l’enquête de Coumba Kane, parue pourtant sous cette accroche le 11 mai dernier dans Le Monde Afrique.

 

 

En réalité, le racolage journalistique aura beau sous-entendre qu’on puisse donner envie de mœurs néo-païennes, ladite polygamie, loin de faire rêver, conserve visiblement toute son amertume. C’est pourquoi il convient de lire son papier en retirant soigneusement son titre et son chapeau.

 

 

« La polygamie ne rebute plus les femmes instruites ? » Certaines iraient même jusqu’à choisir ce brin de liberté supposée, un mari étant bien vite encombrant à l’entretien. Il serait donc appréciable, pour la femme, de partager le travail avec l’une ou l’autre de ses co-épouses. C’est, du moins, le seul avantage qu’on réussira à lui trouver, malgré tout bien maigre face à l’accablante perspective qui s’ensuit.

 

 

 

« La polygamie ne rebute plus les femmes instruites ? » Pourtant, cela ressemble toujours autant à l’apanage des hommes, seuls capables de dire « Je t’aime » à plusieurs femmes dans la même journée. Il les aime donc, et les jeux de l’amour et du hasard auront tôt fait de transformer un mariage sur trois en « polyamour », luxe que les femmes ne s’offrent pas (à supposer que cela les intéresse). Faire des études susciterait donc le même intérêt multiséculaire pour les vieux grippe-sous, à même de s’amouracher d’un joli minois en complément d’une femme surfaite. Si la polygamie ne rebute pas les femmes instruites, c’est que, loin d’être idiotes, elles en tireraient parti. Souffrons qu’elles ne soient pas la majorité.

 

 

 

« La polygamie ne rebute plus les femmes instruites ? » On parle, là, de jeunes journalistes pimpantes, qui ont tout pour elles face au premier amour flétri, bien qu’on ignore si la flétrissure soit de la femme ou de l’amour. On croyait à ce dernier plus de vertu au point de traverser les âges et les sentiments. Du moins, c’est ce que vise le mariage (le vrai, monogame, celui-là). L’amour n’exclut pas le béguin, encore faut-il qu’il reste à sa place. Si l’on déchoit à l’épouse son exclusivité, c’est bien qu’on accepte d’y mettre un brin de concurrence.

 

 

 

« La polygamie ne rebute plus les femmes instruites ? »Cependant, la concurrence est bien là. Certains l’avouent sèchement : la polygamie est une arme de dissuasion, et un pouvoir face à l’épouse. L’homme qui doit tenir ses femmes joue la sécurité. Qu’il s’exaspère de l’une, il ira dans les bras de l’autre. La seule chose qu’il garde, c’est le contrôle, tandis qu’elles subissent, ni plus ni moins. Lâcheté de l’homme qui, en filigrane, admet avoir tant besoin d’elles.

 

 

« La polygamie ne rebute plus les femmes instruites ? » À moins qu’elles n’aient finalement compris que l’instruction n’a pas eu raison de leur culture. L’enquête nous le dit : la pression sociale est telle qu’on préférera être un numéro d’épouses plutôt que de divorcer. La véritable raison, c’est la misère sociale qui guette la femme qui divorce.

 

 

Coumba Kane a bien fait de nous reparler de la polygamie. On se souviendra ainsi qu’elle n’a rien de glorieux. Pauvreté de l’homme, misère pour les femmes, nos sociétés moins patriarcales qu’on ne le dit avaient fait de la monogamie non seulement un idéal de l’amour mais, en substance, une sécurité sans précédent pour les femmes. Nonobstant nos divorces ravageurs, souhaitons qu’on la conserve intacte.